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http://www.jeuverbal.fr Spitzer, L'effet de sourdine ... - le jeu verbal

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<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />

Les <strong>de</strong>ux voix se fon<strong>de</strong>nt fina<strong>le</strong>ment en un duo musical, <strong>le</strong>s voix <strong>de</strong> solo se<br />

trouvent unies par l'harmonie; il y a aussi <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> pure musique voca<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s<br />

choeurs, par exemp<strong>le</strong> III, 8 :<br />

La première (voix) : Je vois tout son éclat disparaître à mes yeux.<br />

La secon<strong>de</strong>: Je vois <strong>de</strong> toutes parts sa clarté répandue.<br />

La première: Dans un gouf<strong>fr</strong>e profond Sion est <strong>de</strong>scendue.<br />

La secon<strong>de</strong>: Sion a son <strong>fr</strong>ont dans <strong>le</strong>s cieux.<br />

La première : Quel triste abaissement!<br />

La secon<strong>de</strong>: Quel<strong>le</strong> immortel<strong>le</strong> gloire!<br />

La première : Que <strong>de</strong> cris <strong>de</strong> dou<strong>le</strong>ur!<br />

La secon<strong>de</strong> : Que <strong>de</strong> chants <strong>de</strong> victoire!<br />

Il est indéniab<strong>le</strong> que Racine, surtout dans ses premières tragédies, a trop sacrifié<br />

au plaisir <strong>de</strong> l'antithèse formel<strong>le</strong>, c'est-à-dire qu'il trouve du goût à jouer sur <strong>le</strong>s<br />

oppositions, comme au temps <strong>de</strong>s pétrarquistes, même dans <strong>de</strong>s cas où ce choix <strong>de</strong><br />

l'antithèse binaire n'est pas justifié par la nature même d'un personnage ou d'une scène,<br />

par une dualité philosophique ou autre. Une expression comme cel<strong>le</strong> d'Andromaque (III,<br />

6)<br />

J'ai cru que sa [d'Astyanax] prison <strong>de</strong>viendrait son asi<strong>le</strong>,<br />

qui signifie qu'el<strong>le</strong> avait espéré <strong>de</strong> Pyrrhus la liberté pour son fils, a déjà <strong>le</strong> caractère trop<br />

formel d'un mot d'esprit, d'une pointe. Le pur pétrarquisme suffit à définir ce vers <strong>de</strong><br />

Phèdre, V, 1:<br />

Quand je suis tout <strong>de</strong> feu, d'où vous vient cette glace?<br />

Dans <strong>le</strong> célèbre récit <strong>de</strong> Théramène (Phèdre, V, 6) on trouve une antithèse plus<br />

littéraire que vraiment « sincère » (MartyLaveaux, p. VI, y trouve « un peu d'emphase »)<br />

Cependant sur <strong>le</strong> dos <strong>de</strong> la plaine liqui<strong>de</strong><br />

S'élève à gros bouillons une montagne humi<strong>de</strong>.<br />

Ce <strong>jeu</strong> <strong>de</strong> l'esprit dans l'antithèse nous apparaît particulièrement intolérab<strong>le</strong><br />

lorsqu'el<strong>le</strong> n'existe que dans la forme, lorsqu'un terme est pris dans <strong>de</strong>ux sens différents,<br />

et qu'il y a donc en fait <strong>jeu</strong> <strong>de</strong> mots : ayant peut-être aujourd'hui l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> juger <strong>le</strong><br />

mot trop strictement sur son sens et son contenu, nous refusons notre adhésion à ce <strong>jeu</strong><br />

sur <strong>le</strong>s mots, vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> sens et <strong>de</strong> contenu, que nous nommons « précieux »; on a déjà<br />

<strong>fr</strong>équemment recensé <strong>le</strong>s antithèses précieuses chez Racine; en voici quelques exemp<strong>le</strong>s<br />

(<strong>le</strong> mot en romain est ambigu, pris aux sens littéral et métaphorique) :<br />

Andr., I, 4 :<br />

Brûlé <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> feux que je n'en allumai.<br />

IV, 4:<br />

Je percerai <strong>le</strong> coeur que je n'ai pu toucher.<br />

Phèdre, II, 1 :<br />

On craint que <strong>de</strong> la soeur <strong>le</strong>s flammes téméraires<br />

Ne raniment un jour la cendre <strong>de</strong> ses <strong>fr</strong>ères.<br />

II, 5 :<br />

Voilà mon coeur : c'est là que ta main doit <strong>fr</strong>apper.<br />

Impatient déjà d'expier son offense,<br />

Au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> ton bras je <strong>le</strong> sens qui s'avance.<br />

<strong>Spitzer</strong>, L’effet <strong>de</strong> <strong>sourdine</strong> dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> classique : Racine. 41

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