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La peinture romantique, essai sur l'évolution de la peinture française ...

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— 19o —<br />

On se tait loiijuiirs comprendre lorsque l'on s'astreint à tout dire : le délicat<br />

est <strong>de</strong> renfermei' en quelques termes décisifs son exposition. Bien <strong>de</strong>s écrivains<br />

habiles ont su, en longues pages, en analyses minutieuses, faire vivre un caractère,<br />

composer et créer <strong>de</strong>s personnag'es, combien en est-il qui aient été capables <strong>de</strong><br />

faire <strong>sur</strong>g-ir leurs héros, en une seule phrase, en un mot qui pénètre à fond ?<br />

C'est le privilège <strong>de</strong> Corneille, <strong>de</strong> Tacite, c'est <strong>la</strong> part du génie.<br />

11 y a plus <strong>de</strong> parenté qu'on ne pense entre <strong>la</strong> sobriété c<strong>la</strong>ssique et l'art im-<br />

pressionuisle. Tous <strong>de</strong>ux procè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> même manière, vont chercher le trait<br />

fort et nous le proposent après l'avoir dégagé <strong>de</strong>s traits plus faibles qui en amoin-<br />

driraient <strong>la</strong> portée.<br />

Dans un <strong>la</strong>lileau davidien toutes les parties sont reliées par une nécessité rigou-<br />

reuse; elles se maintiennent mutuellement en p<strong>la</strong>ce. Il est facile <strong>de</strong> peindre ce<br />

bras dont les insertions à l'épaule sont parfaitement marquées et dont <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

dans l'espace est indiquée par tous les corps qui l'entourent. Qu'il soit peint plus<br />

c<strong>la</strong>ir ou jilus sombre que <strong>la</strong> nature ne le présenterait, que <strong>la</strong> couleur n'en soit<br />

pas tout à fait juste, que le <strong>de</strong>ssin même en soit inexact, il n'importe: il occupe<br />

une p<strong>la</strong>ce mathématiquement déterminée et s'y tiendra.<br />

Il en est tout autrement <strong>de</strong> <strong>la</strong> tache qui doit nous suggérer <strong>la</strong> vision d'un objet.<br />

Posée <strong>sur</strong> <strong>la</strong> loile comme un Ion <strong>sur</strong> une tapisserie, isolée <strong>de</strong>s taches voisines,<br />

il faut pour qu'elle forme avec celles-ci un ensemble, pour que nous <strong>la</strong> fixions<br />

dans l'espace et que nous lui attribuions sa véritable signification, qu'ellesoil ex-<br />

pressive et d'une impeccable justesse. Si le ton n'en est d'une vérité frappante,<br />

l'oeil hésite <strong>sur</strong> sa signification ; si <strong>la</strong> valeur en est fausse, si elle contient trop<br />

<strong>de</strong> lumière ou trop d'ombre, elle sort <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce où le peintre vou<strong>la</strong>it l'objectiver,<br />

elle vient trop en avant, ou <strong>de</strong>meure en arrière et disloque l'ensemlile.<br />

Bonington a excellé dans ce jeu délicat et dangereux, et, bien qu'il n'ait pas<br />

poussé cet art jusqu'à ses limites et qu'il n'ait pas tenté les tours <strong>de</strong> force hasar<strong>de</strong>ux<br />

que se sont permis <strong>de</strong>s j)eintres plus récents, on aime toujours, après<br />

avoir éprouvé le charme <strong>de</strong> ses œuvres, à s'approcher <strong>de</strong> <strong>la</strong> toile pour admirer<br />

les traits rapi<strong>de</strong>s qui ont suffi à provoquer l'évocation.<br />

A <strong>la</strong> recherche du trait juste le regard s'aiguise ou, plutôt, on ne le rechtMclie<br />

([ue lorsque l'œil est naturellement prédisposé; aussi Bonington a-t-il rencontré<br />

non seulement <strong>la</strong> tache exacte, mais <strong>la</strong> tache fine et délicate : il a été un maître<br />

coloriste.<br />

Son coloris ne se déploie pas en une fanfare éc<strong>la</strong>tante. Très conscient <strong>de</strong>s<br />

limites <strong>de</strong> son génie, il n'a pas abordé les pages colossales où se jouent les grands<br />

maîtres <strong>de</strong> <strong>la</strong> palette. Par goût, il fuit les harmonies tapageuses; il n'aime même<br />

pas les sonorités <strong>la</strong>rges et franches; il se p<strong>la</strong>ît, au contraire, aux harmonies<br />

fines et tenues, aux tons exquis et rares : c'est un coloriste aristocratique.<br />

On <strong>de</strong>vine que, pour sa sensibilité <strong>sur</strong>aiguë, certaines nuances, certaines

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