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LA COOPÉRATION PARENTS-ENSEIGNANTS À L’ÉCOLE PRIMAIRE<br />

La concurrence éducative entre les parents et les enseignants à l’école primaire<br />

Ce critère de bonne éducation évolue dans le temps. Dans<br />

les années 50, l’enfant idéal était un enfant obéissant ;<br />

dans les années 70, c’était un enfant épanoui ; dans les<br />

années 80 et suivantes, un enfant autonome en<br />

complétant aujourd’hui avec l’élève performant.<br />

Quelques exemples classiques de pratiques éducatives des<br />

familles :<br />

Les enfants des familles démocratiques (entremêlant<br />

affection et autorité) (cf. D. Baumrind) ont de meilleurs<br />

résultats scolaires ; les enfants des familles moyennement<br />

structurées (c’est-à-dire peu rigides) ont un développement<br />

intellectuel supérieur (cf. J. Lautrey) ; les mères les<br />

plus stimulantes sont celles qui restent calmes, s’adaptent<br />

aux compétences de l’enfant et savent réajuster leur<br />

niveau de questionnement (cf. J.-P. Pourtois).<br />

Aujourd’hui, ce qui prévaut c’est le modèle libéral : chaque<br />

élève est pris dans sa spécificité et poussé à l’autonomie.<br />

J’ai réalisé une enquête auprès de 508 parents. Elle montre<br />

que l’opposition sociale la plus nette se fait entre esprit<br />

critique/curiosité d’esprit, d’une part et politesse et bon<br />

travail, d’autre part, sans corrélation avec les performances<br />

réelles de l’enfant. Par exemple, les enfants dont les<br />

parents stimulent le plus l’autonomie sont reconnus par les<br />

enseignants comme étant effectivement les plus autonomes.<br />

Dans les familles populaires, on véhicule l’idéal<br />

d’un élève plutôt passif, c’est-à-dire qui « écoute bien ce<br />

que dit l’enseignant, qui ne se fait pas remarquer ».<br />

Aujourd’hui, les parents des milieux moyens et aisés<br />

négocient de plus en plus souvent avec l’enfant, alors que<br />

jusque dans les années 60, dans ces mêmes milieux c’était<br />

l’autorité et l’obéissance qui étaient de mise. « La<br />

souplesse des pratiques éducatives favorise une bonne<br />

image de soi et l’acquisition du sentiment de<br />

responsabilité vis à vis de ses actes et des événements de<br />

la vie », précise C. Bouissou.<br />

Le point commun de toutes ces études est qu’elles<br />

constatent un net clivage social : les pratiques efficaces se<br />

repèrent majoritairement dans les classes sociales<br />

moyennes ou supérieures. C’est dire qu’à conditions<br />

socio-économiques équivalentes, les principes éducatifs<br />

auxquels se réfèrent les parents exercent une influence<br />

directe sur les performances scolaires de leurs enfants.<br />

Et la question qui se pose naturellement est celle<br />

d’estimer l’impact de ces pratiques éducatives sur la<br />

conduite scolaire de l’enfant. C’est à partir de cette<br />

conduite que les enseignants élaborent des hypothèses sur<br />

les pratiques éducatives supposées des parents.<br />

On pourrait aussi mentionner les pratiques langagières :<br />

quel droit à la parole lorsque l’intérêt de l’enfant porte<br />

sur le contenu et celui de l’enseignant sur la forme ?<br />

On peut retenir qu’il y a des pratiques éducatives en<br />

harmonie ou en opposition avec la demande scolaire.<br />

On peut aussi se demander par quel processus, des<br />

pratiques éducatives parentales peuvent devenir handicapantes,<br />

et pourquoi ne sont-elles pas handicapantes pour<br />

tous les enfants ? L’intervention d’une dimension psychologique<br />

est nécessaire.<br />

Représentations des enseignants<br />

On retrouve chez les enseignants des représentations caricaturales<br />

et schématiques de l’éducation donnée par les<br />

parents, induites de ce qu’ils perçoivent chez leurs élèves :<br />

façons de s’exprimer, de se conduire ou de s’habiller…<br />

C’est souvent négatif.<br />

Quelles sont ces représentations des enseignants sur les<br />

parents et sur leur niveau supposé de compétence ou<br />

d’incompétence éducative ? Qu’est-ce qui dans la dévalorisation<br />

implicite des parents, risque de bloquer la<br />

progres-sion scolaire de l’élève ?<br />

Il ne fait aucun doute que ces représentations jouent un<br />

rôle important sur les performances scolaires de l’enfant.<br />

Un enseignant n’attend pas les mêmes réponses d’un élève<br />

qu’il croit victime de carences éducatives (il n’intervient<br />

pas de la même façon, il ne pose pas les mêmes<br />

questions…), ou qu’il pense avoir des parents<br />

démissionnaires (parce qu’il ne les voit jamais)…<br />

La condescendance peut être nocive car elle conforte<br />

l’enfant dans une représentation défavorisée de lui-même…<br />

Il existe aussi un effet d’étiquetage et d’acceptation de cet<br />

étiquetage par l’élève, par exemple liées à ses origines<br />

sociales.<br />

La représentation que se font les enseignants des parents<br />

et de la culture dispensée à la maison peut influencer des<br />

décisions lourdes de conséquences pour l’enfant.<br />

Trop d’enseignants, parce qu’ils sont des professionnels,<br />

se croient experts en éducation (parce que statutairement<br />

ils sont reconnus comme éducateurs professionnels),<br />

alors même qu’ils n’ont reçu aucune formation à ce sujet ;<br />

mon expérience d’enseignant-formateur à l’IUFM m’a<br />

permis de le vérifier... Pour eux, tout se passe comme si<br />

l’incom-pétence éducative était une propriété intrinsèque<br />

de la parentalité, même lorsque ces parents sont euxmêmes<br />

enseignants ! Il est généralement reproché aux<br />

parents de ne pas assumer leurs responsabilités<br />

éducatives. Et si jamais ils les assument, ils seront accusés<br />

de mal les exercer.<br />

Une enquête d’Éric Debarbieux (1998) portant sur<br />

617 enseignants indique que 70% d’entre eux estiment<br />

que la famille joue moins bien son rôle qu’auparavant ; à<br />

toute époque, on va trouver chez les enseignants l’illusion<br />

d’une carence éducative croissante des parents. À<br />

l’inverse, les enquêtes auprès des parents montrent que<br />

les parents sont plutôt satisfaits des enseignants (un<br />

sondage de Libération, il y a 3 ans, donnait le chiffre de<br />

70% de parents satisfaits).<br />

On a donc une représentation très contrastée. Plusieurs<br />

éléments peuvent l’expliquer :<br />

un enseignant face à un parent pense avoir en vue<br />

l’intérêt objectif de 25 ou 30 élèves ;<br />

toute parole parentale est suspecte d’être entachée de<br />

subjectivité ou de parti-pris ; l’intérêt particulier que les<br />

parents portent à leur enfant les empêche de voir où est<br />

l’intérêt général ;<br />

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