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LA COOPÉRATION PARENTS-ENSEIGNANTS À L’ÉCOLE PRIMAIRE<br />
Les parents d’élèves et l’école :«À qui appartient l’enfant ?»<br />
Les parents d’élèves et l’école :<br />
«Àqui appartient l’enfant ? »<br />
Pierre Charbonnel<br />
Chercheur à l’Observatoire de l’Enfance<br />
Pierre CHARBONNEL lance le sujet des parents à l’école<br />
en le situant dans une perspective historique, et en se<br />
centrant sur l’enfant. Il part donc, dans ce but, de la<br />
question de Jean Hébrard, lors de sa participation à<br />
l’université d’été de l’IUFM de Créteil, en juillet 2001 :<br />
«Àqui appartient l’enfant ? ».<br />
Pourtant, cette question ne s’est pas toujours posée<br />
puisque, pendant très longtemps, l’enfant tel que nous le<br />
connaissons actuellement, comme être social en<br />
formation, n’existait pas. On passait ainsi directement et<br />
sans transition de l’état d’infans (ce qui signifie « celui qui<br />
ne parle pas »), nourri et totalement assisté, au statut<br />
d’adulte ; et cela vers 7 ans, c’est-à-dire à l’âge considéré à<br />
l’époque comme âge de raison par l’Église ; et on devenait<br />
alors, selon la position sociale, travailleur à part entière,<br />
ou apprenti officier, voire apprenti prince ou même<br />
carrément apprenti roi…<br />
En fait, c’est à partir de la fin du XVI e siècle que l’enfance<br />
commence progressivement à acquérir un statut ; statut<br />
qui s’affirmera définitivement au XVIII e avec, par<br />
exemple, Rousseau et son Émile.<br />
Dès lors, se pose la question « À qui appartient<br />
l’enfant ? ». « Àl’Église », répond sans hésiter le Concile<br />
de Trente, en ré<strong>action</strong> à la Réforme protestante qui<br />
confiait l’éducation religieuse aux familles et la lecture<br />
personnelle des « Écritures ». Se tisse alors, en ré<strong>action</strong>,<br />
un réseau dense d’écoles catholiques, dont celles des<br />
« Frères de l’école chrétienne » de J.-B. de la Salle<br />
constituent l’expression la plus élaborée, puisqu’elles<br />
serviront de modèle à la plupart des institutions scolaires<br />
actuelles (s’agissant notamment de l’enseignement<br />
successif, les frères s’implantant généralement par trois).<br />
«À qui appartient l’enfant ? ». «À la Nation »,<br />
affirment les révolutionnaires de 1789 ; et on se souvient<br />
par exemple d’un des nombreux projets scolaires de<br />
l’époque, celui de Le Pelletier de Saint Fargeau, qui<br />
préconisait d’enlever les enfants à leur famille dès leur<br />
plus jeune âge et de les éduquer en internat, afin de les<br />
soustraire à l’influence de l’Église, dans le but de faire<br />
émerger « l’homme nouveau ».<br />
«À qui appartient l’enfant ? ». «À la Nation et à la<br />
Patrie », répond la troisième République débutante qui<br />
forme ainsi non seulement de futurs citoyens, mais aussi<br />
de futurs patriotes (en attestent, par exemple, les fameux<br />
« bataillons scolaires »). Et dans ce but cette troisième<br />
République rend l’école obligatoire (enfin, « l’instruction »,<br />
mais cela revient au même pour plus de 99% de la<br />
population de l’époque).<br />
Mais cette obligation va provoquer du coup une double<br />
situation schizophrénique : pour tous les enfants d’abord<br />
qui, six heures par jour cessent d’être des « enfants »<br />
pour devenir des « élèves » ; pour les parents, ensuite qui,<br />
du même coup, et pendant le même temps deviennent des<br />
« parents d’enfants » « parents d’élèves », dépossédés<br />
d’une partie de leurs prérogatives, partiellement captifs<br />
de l’institution, qu’ils l’aient souhaité ou non.<br />
Ainsi, progressivement, la question va-t-elle se modifier :<br />
de « Àqui appartient l’enfant ? » on glisse, au début du<br />
siècle dernier à « Àqui appartient l’élève ? » ; et cela va<br />
déboucher sur une situation carrément conflictuelle.<br />
Car les familles ne vont avoir de cesse de récupérer les<br />
prérogatives qui leur ont été enlevées. C’est ainsi que<br />
naîtront les associations de parents d’élèves dont,<br />
chronologiquement, pour ne citer que les deux plus<br />
importantes, la fédération des PEEP, et la FCPE.<br />
Actuellement, pour mémoire, quatre associations sont<br />
ministériellement reconnues :<br />
la FCPE, Fédération des conseils de parents d’élèves,<br />
les PEEP, Parents d’élèves de l’enseignement public,<br />
l’UNAAP, Union nationale des associations autonomes<br />
de parents d’élèves,<br />
la FNAPE, Fédération nationale des associations des<br />
parents d’élèves des écoles publiques.<br />
Un certain nombre sont des associations locales, dont<br />
certaines reçoivent une habilitation rectorale. Un grand<br />
nombre, enfin, sont de simples groupements de parents<br />
d’élèves.<br />
Les parents d’élèves, sous forme de représentants, entrent<br />
officiellement dans le second degré en 1968 et à l’école<br />
primaire en 1977, lors de la création des conseils d’écoles.<br />
Mais cela ne se fait pas sans conflits : ainsi les PEEP<br />
rompent-elles avec la société des agrégés et le SNALC,<br />
dont ils étaient très proches ; et la FCPE, pour sa part,<br />
s’oppose brutalement au Syndicat National des<br />
Instituteurs qui, avec la Ligue de l’enseignement, était<br />
pourtant à son origine.<br />
C’est la loi d’Orientation de 1989 qui institutionnalise<br />
définitivement la place des parents dans le système<br />
éducatif en les consacrant « membres de la communauté<br />
éducative », et en définissant avec précision leur statut<br />
dans les divers conseils scolaires, ainsi que leur présence<br />
dans les instances consultatives départementales,<br />
académiques et même dans l’instance nationale, que<br />
constitue le Conseil supérieur de l’Éducation nationale.<br />
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