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Q U I G O U V E R N E L A F R A N C E ? N ° 6 8 - Pouvoirs

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L A R É P U B L I Q U E D E S M É D I A SMais la dépendance des médias ne s’arrête pas là. Chaque jour, ilsdoivent attirer et conserver un public exigeant, volatil, blasé. Un publicqui n’accepte de consacrer aux problèmes de la cité qu’un temps et uneffort cognitif limités, qui a d’autres choses à faire, une vie privée, desproblèmes familiaux et professionnels, des loisirs et des distractionsvariés, une distance ironique à l’égard de la politique, un public très turbulentet sans indulgence.Si l’idée d’une influence des médias sur leur public semble aller desoi, celle d’un pouvoir du public sur les médias est contre-intuitive. Onse demande plus facilement ce que la télévision fait aux téléspectateursque ce que les téléspectateurs font de la télévision. Et l’image d’unpublic passif, malléable et manipulé perdure malgré les multiples travauxde la sociologie des médias qui montrent, année après année, queles gens ne changent pas si facilement que cela, même pour acheter unepoudre à laver. Mais pourquoi tel journal connaît le succès et tel autrel’échec ? Pourquoi telle émission politique trouve son public et telleautre est boudée ? Et même lorsque le citoyen daigne s’exposer à unmessage politique, qu’est-ce qui prouve qu’il le mémorise et qu’il yadhère ? La République des médias repose sur cet immense malentendu: le silence du récepteur, qui est d’ordre technique, est interprétéla plupart du temps comme acquiescement politique.Et cette croyance résiste à toutes les expériences. Qu’il s’agisse deséchecs électoraux de leaders politiques dont la maîtrise des médias était– auparavant – admirée, qu’il s’agisse de l’impopularité croissante degouvernants malgré une présence médiatique intense, ou qu’il s’agisseencore des divergences profondes entre les préoccupations de l’opinionet celles des médias. On sait bien que l’influence de l’entourage personnelet de l’expérience vécue est beaucoup plus forte que celle desmédias sur des sujets comme l’emploi, la protection sociale ou l’éducation.On sait aussi que les effets des médias ne sont sensibles que sur lessujets éloignés de la vie quotidienne parce qu’alors l’information transmisene peut être confrontée à la réalité vécue. Mais peu importe.Il convient encore d’ajouter que la relation entre publics et médiasn’est pas statique ni même stable. Lecteurs, auditeurs, téléspectateursapprennent, dans la durée, à se servir des médias, à décoder les messages,les critères de jugement changent et s’affinent, la confiance dansl’image comme preuve s’effrite, la familiarité et l’habitude suscitent lescepticisme ou l’indifférence. L’usure des genres, les changements desstyles et des registres de communication montrent à quel point le publicfait pression sur les médias et les oblige à s’adapter.105

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