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Q U I G O U V E R N E L A F R A N C E ? N ° 6 8 - Pouvoirs

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L U C F E R R Y128qu’une situation catastrophique recèle dès qu’on approfondit un tantsoit peu les choses.L’étrange, si l’on y réfléchit, est que cette mise en question desmédias, qui reçoit ses lettres de noblesse chez des intellectuels réputésmais volontiers marginaux, s’intègre si aisément au prêt-à-penser leplus attesté. Sans qu’on y prenne garde, elle accède tout doucement aurang de discours constitué, disponible sur ce qui ressemble fort à unmarché des idées. Bien plus, c’est chez les journalistes qu’elle trouve sesporte-parole les plus empressés. Car sa force lui vient d’abord du faitqu’elle s’enracine dans des hauteurs philosophiques flatteuses (en gros,la critique d’une masse abêtie, aliénée par « la société du spectacle »),tout en puisant dans l’actualité mille petits faits bien réels qui viennentlui donner l’allure d’une vérité empirique incontestable. Elle rencontreainsi des échos multiples : il n’est pas un journaliste conscient du sensde son métier, pas un citoyen responsable qui ne soit, à un moment ouà un autre, consterné par telle ou telle de nos pitreries cathodiques. Pasun non plus qui ne s’identifie plus volontiers à la lucidité supposée dupoint de vue, forcément élitiste, de la critique plutôt qu’à celui d’unepopulace manipulée. Non seulement nous avons tous en mémoire derécents phénomènes de désinformation grave (la « couverture télé » dela révolution roumaine ou de la guerre du Golfe), mais il n’est pasbesoin d’être grand clerc pour dénoncer les risques d’une trop grandemédiatisation de la justice ou percevoir la « vulgarité » des « realityshow», les dangers du zapping prolongé pour le cerveau de nos enfantsou le faible taux philosophique du « juste prix ». Il faut même avouerque la réalité dépasse les espérances de tout intellectuel critique normalementconstitué qui voit là, après l’effondrement des cibles habituellesdu gauchisme culturel, la résurgence inespérée de nouveauxmotifs d’affliction. Pourtant, il me semble qu’on peut, qu’on doitmême, faire contre cette nouvelle rhétorique deux objections de fond.Non pour légitimer l’état de fait, dont c’est peu dire qu’il n’a rien deréjouissant, mais, tout au contraire, pour porter le fer au seul niveau oùil a quelques chances de produire de salutaires effets.Commençons par le diagnostic. Lorsqu’on reproche à l’informationde gommer la profondeur historique des drames qu’elle visualise,de quoi parle-t-on au juste ? Croit-on sérieusement que les reportagessur la Bosnie ou sur la Somalie auraient décervelé une population républicaine,consciente et informée, qui de toute éternité aurait brillé parses compétences incomparables quant à l’histoire de ces deux pays ? Aquel âge d’or mythique fait-on, ici, référence ? La réalité, de toute évi-

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