J E A N - L O U I S Q U E R M O N N EL’accroissement des cabinets ministériels66Pinay 268 Chirac (1975) 224Mendès France 304 Barre (1976) 226Mollet 334 Mauroy (1982) 391Debré (1960) 259 * Fabius (1984) 293Pompidou (1966) 274 * Chirac (1986) 369Couve de Murville (1968) 291 Rocard (1988) 370Chaban-Delmas (1972) 356 * Cresson (1991) 371Messmer (1973) 284 Bérégovoy (1992) 428Balladur (1993) 332L’actualisation montre que la progression s’est accrue jusqu’au gouvernementBalladur.* On observe que ces chiffres diffèrent de ceux livrés par Isabel Boussard.En réalité, de tels chiffres ne sont pas significatifs et doivent être corrigésà la hausse. Car aux effectifs, tels qu’ils résultent des nominationspubliées au Journal officiel, il convient d’ajouter les membres « officieux» ou « clandestins ». Une récente enquête, menée pour le comptedu journal Libération, a conduit Éric Dupin à évaluer le nombre desmembres des cabinets ayant travaillé sous le gouvernement Bérégovoyà plus de 600 1 . Et même sous le gouvernement Balladur, la réduction deseffectifs sous la barre des 400 semble s’expliquer davantage par la diminutiondu nombre des membres de ce gouvernement (et notamment parl’absence de secrétaires d’État), que par une stricte application parchaque ministre des instructions du premier d’entre eux.Dans son introduction à l’enquête menée sur Quarante Ansde cabinets ministériels, René Rémond pouvait déjà observer que, surun total de fonctions de l’ordre de 10 548, 4 011 individus avaientparticipé de 1936 à 1972 (excepté les quatre années du gouvernement deVichy) à des cabinets ministériels. Ces chiffres révèlent, à la fois, qu’aucours de la même période, les effectifs officiels des cabinets ont égalé1. Éric Dupin, « Faut-il fermer les cabinets ministériels ? », Libération, 11 mai 1993,p. 10.
L A « M I S E E N E X A M E N » D E S C A B I N E T S M I N I S T É R I E L Sceux des membres des deux assemblées du Parlement, et qu’une certainepermanence s’est établie parmi eux. En effet, pas moins de 58 %d’entre eux ont participé à deux cabinets et plus 1 . Il serait intéressant depouvoir actualiser de tels chiffres. Car conjugués avec la forte proportionde fonctionnaires, qui oscillait déjà entre 85 et 91 % à la fin de laIII e République, une telle observation témoignerait de la professionnalisationaccrue des membres des cabinets. Et une telle institutionnalisationexpliquerait leur enracinement.L E R ENFORCEMENT DES C RITIQUESDans sa tentative d’évaluation de l’efficacité du système, Guy Thuilliercroyait pouvoir, en 1982, surmonter les critiques. Il estimait, par conséquent,dans un essai de prospective, que le rôle des cabinets ministérielsne pouvait que s’accroître. En outre, il voyait dans cette institution coutumièreun phénomène consubstantiel à la V e République 2 . Tel ne serapas, ici, notre point de vue. Car les excès auxquels a conduit, au coursdes dernières décennies, l’expansion des cabinets – que le rapport précitédu XI e Plan a stigmatisée – ont davantage éclairé les effets pervers deleur fonctionnement, qu’ils ne légitiment aujourd’hui leur mission.La première critique que l’on peut opposer aux cabinets ministérielsest classique. Leur existence établit un cloisonnement néfaste entre leministre et ses services. Elle conduit à restreindre au minimum lescontacts directs entre ce dernier et ses directeurs. Et elle démobilise etdéresponsabilise les cadres de l’administration, ramenés au rôle desimples exécutants. Dans Profession : fonctionnaire, François Bloch-Lainé aime à rappeler que sous certains ministres des Finances « lesprincipaux directeurs : Trésor, Finances extérieures, Budget, Impôtsavaient les mêmes privilèges que le directeur de cabinet. C’est par courtoisiequ’ils traversaient, en passant, le bureau de ce dernier, attenant àcelui du ministre, afin qu’il fût informé de leurs démarches. PaulReynaud, qui connaissait bien la maison quand il revint en 1948, tint àme dire : “Sachez que vous pouvez toujours entrer ici par cette petiteporte-là.” Il me montrait celle qui donne directement sur l’antichambre,à côté de la grande, réservée aux visiteurs. » Or l’ancien directeur duTrésor oppose à cette invite – dont il eût été selon lui de mauvais goûtd’abuser – la situation faite à ses successeurs : « La faveur est devenue671. René Rémond, Introduction, in Quarante Ans de cabinets ministériels, op. cit., p. 21.2. Guy Thuillier, op. cit., p. 110 s., 122 s.