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Q U I G O U V E R N E L A F R A N C E ? N ° 6 8 - Pouvoirs

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L A R É P U B L I Q U E D E S M É D I A SIl existe un phénomène étrange dans le domaine des sondages queW. Phillips Davison a appelé « third-person effect » : les personnesinterrogées répondent oui à la question « les gens sont-ils influencés parla télévision ? » et non à la question « Êtes-vous influencé par la télévision? ». Autrement dit, les esclaves des médias ce sont toujours lesautres. Et vous qui êtes en train de me lire, n’est-ce pas aussi ce que vouspensez tout au fond de vous-même ?Le paradoxe actuel des médias est qu’ils exercent leur plus grandeinfluence sur les élites politiques qui s’en croient le plus détachées,cette influence étant liée à la croyance dans leurs effets sur le grandpublic. Dans ce jeu de dupes, certains hommes politiques se sont perdus,d’autres ont survécu, mais tous ont été meurtris. Et surtout l’actionpolitique en a subi les conséquences. Car il faut en venir enfin auxeffets pervers de la République des médias. Si le pouvoir des médiasne réside pas là où l’on croit, il existe cependant – comme on vientde le voir –, et comme tout pouvoir il impose sa loi à ceux qu’il prenddans ses rets.Pour l’administration de l’État, qui partage ce privilège avecl’Église, le long terme c’est l’éternité. Pour le gouvernement, le longterme c’est le semestre. Pour la presse, le long terme c’est la journée.Pour la télévision, le long terme c’est l’instant. Quel est celui qui imposeson horizon temporel aux autres ? Cela dépend des circonstances.Chaque Premier ministre vient rituellement à la télévision réclamerqu’on lui accorde du temps et qu’on le juge sur la durée. La bataillepour le contrôle de l’agenda politique se double d’une bataille pour lamaîtrise des temps politiques qui sont plus erratiques que le temps deshorloges. Une grève des transports peut faire perdre six mois, uneembellie de l’emploi peut en faire gagner trois. De quoi va-t-on parleret débattre ? Sur quoi sera-t-on jugé et sanctionné ? Dans quels délais ?Tels sont les objets de la négociation continue entre gouvernants et gouvernés,rythmée et orchestrée par les médias et les sondages de popularitéentre deux échéances électorales.Agenda, sanction, délais, ce triptyque démocratique n’est pas nouveau,mais la nouveauté réside dans l’accélération du temps et les décalagesinduits par les médias (ou peut-être faudrait-il dire : par lacroyance dans l’influence des médias). Il se passe généralement un an,voire deux entre le moment où un projet est élaboré dans un ministèreet le moment où il se traduit concrètement dans la vie quotidienne descitoyens. Or la logique de l’actualité conduit les médias à présenter lamise en route d’un processus de décision comme une décision instan-107

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