12.07.2015 Views

Q U I G O U V E R N E L A F R A N C E ? N ° 6 8 - Pouvoirs

Q U I G O U V E R N E L A F R A N C E ? N ° 6 8 - Pouvoirs

Q U I G O U V E R N E L A F R A N C E ? N ° 6 8 - Pouvoirs

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

S T A N L E Y H O F F M A N N12Je le répète : ce serait plutôt la patience du citoyen moyen, réglementépar des pouvoirs publics d’une rare complexité – puisqu’il fautajouter à l’État les nouveaux pouvoirs décentralisés sous l’État, et lesautorités de Bruxelles au-dessus de l’État français –, qui frappe et parfoisétonne ; et bien qu’après 1984 une aspiration à moins de réglementationet d’État ait débordé de la droite classique, à la fois vers la gauchesocialiste et vers la droite néo-gaulliste, le fait est que l’État, avec desmodes d’action désormais plus incitatifs que coercitifs, et sansreprendre tout le terrain abandonné après 1984, c’est-à-dire sans revenirau dirigisme initial, n’en a pas moins été souvent contraint – dansl’industrie ou sur le marché du travail – de jouer une fois de plus sonrôle d’agent catalyseur ou de moteur 1 . Et c’est ici que nous retrouvonsla deuxième raison d’inquiétude : parfois mal gouvernés, mais même –et surtout – quand ils sont bien gouvernés, les Français ont toujoursautant de mal à se gouverner.Rappelons-nous la distinction inventée par Georges Burdeau, entredémocraties gouvernées – où le corps électoral a pour rôle principal dedésigner ceux et celles qui le régiront, et les laisse faire – et démocratiesgouvernantes, où une telle abdication n’a pas cours. Une des affichesdiffusées par la mairie de Paris lors de la célébration du centième anniversairede la naissance du général de Gaulle le montrait serrant desmains dans une foule de Français moyens, avec pour légende : rienn’est si grand qu’un peuple gouverné. Certes, les Français aiment se sentirgouvernés, et le climat politique est toujours au plus morose ou amerlorsqu’ils ont le sentiment qu’ils ne le sont pas. Mais ils ne sont toujourspas sortis d’un cercle à la fois vicieux et familier : l’ample rôle de l’Étatet de sa bureaucratie résulte non pas simplement de l’Histoire, mais dece phénomène historique si pleinement et mélancoliquement analysépar Tocqueville (repris un siècle plus tard par Crozier) : l’incapacité desFrançais à s’autogouverner, à prendre leurs affaires en main. Et de cefait, un État qui donne toutes les apparences de la force est, en fait, souventfaible, soit quand il se laisse coloniser par les intérêts qu’il est censéréglementer, soit quand sa réglementation se heurte à la résistance dessujets qui s’estiment mal pris en compte, soit quand, ayant abandonnécertains de ses pouvoirs à la « société civile », il découvre que celle-ci estincapable de les prendre en charge, faute d’organisations, d’institutionsaptes à les exercer.1. Je m’appuie ici sur la remarquable thèse de doctorat (MIT) de Jonah Levy,Tocqueville’s Revenge, 1993.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!