22.01.2017 Views

Un Adolescent Tome 1

Auteur: Fédor Mikhaïlovitch Dostoievski. Roman traduit du Russe par J. W. Bienstock et Félix Fénéon. Langue: Français. Editeur: Eugène Fasquelle, 321 pages, 1923.

Auteur: Fédor Mikhaïlovitch Dostoievski. Roman traduit du Russe par J. W. Bienstock et Félix Fénéon. Langue: Français. Editeur: Eugène Fasquelle, 321 pages, 1923.

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

dire qu’il est difficile de se représenter une âme plus pure et<br />

qui soit restée aussi inviolablement pure. On pourrait<br />

alléguer qu’elle agit inconsciemment ; mais il siérait de ne<br />

pas prendre ce mot au sens que lui donne un avocat qui<br />

plaide pour un voleur ou un assassin. Si elle succomba, ce fut<br />

sous une de ces impulsions fortes qui fatalement et<br />

tragiquement étourdissent la victime. Peut-être était-elle<br />

éprise jusqu’à la mort… de la coupe de son habit, de la raie<br />

bien parisienne de ses cheveux, de sa façon si correcte de<br />

prononcer le français, le français dont elle ne comprenait pas<br />

un mot, ou de cette romance qu’il chantait au piano ! Elle<br />

était éprise de quelque chose qu’elle n’avait jamais encore vu<br />

ni entendu (il était très beau), et d’un coup elle s’était,<br />

jusqu’à l’oubli de tout, éprise de lui, de la coupe de son habit,<br />

de ses romances. J’ai entendu dire que chez les jeunes<br />

serves, même parmi les plus honnêtes, le cas n’était pas rare.<br />

Oui, cette raison était suffisamment puissante, et, pour<br />

expliquer le phénomène, il n’est nullement besoin de mettre<br />

en jeu le droit du maître ni la notion « humilité ». Ce jeune<br />

homme pouvait parfaitement avoir en lui assez de force<br />

charmeuse pour qu’une créature pure, et même, sinon<br />

surtout, une créature tout à fait différente de lui, tout à fait<br />

d’un autre milieu, fût attirée vers lui au prix de sa perte<br />

évidente. Ma mère, je veux croire, comprit nettement que<br />

dans ce jeu tout concourait à sa perdition et peut-être n’estce<br />

qu’à la minute pathétique qu’elle cessa de voir le danger.<br />

Il en est toujours ainsi chez ces « sans défense » : elles voient<br />

l’abîme, et elles y marchent, candides.<br />

Leur repentir coïncida avec leur péché. Versilov m’a dit<br />

avoir sangloté sur l’épaule de Macaire Ivanovitch, appelé, à<br />

cet effet, dans le cabinet de travail du maître, – cependant<br />

qu’elle gisait inanimée dans sa chambrette qui donnait sur la<br />

cour.<br />

– 16 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!