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Un Adolescent Tome 1

Auteur: Fédor Mikhaïlovitch Dostoievski. Roman traduit du Russe par J. W. Bienstock et Félix Fénéon. Langue: Français. Editeur: Eugène Fasquelle, 321 pages, 1923.

Auteur: Fédor Mikhaïlovitch Dostoievski. Roman traduit du Russe par J. W. Bienstock et Félix Fénéon. Langue: Français. Editeur: Eugène Fasquelle, 321 pages, 1923.

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Si le marchand veut rendre, il rendra ; s’il ne veut pas, il ne<br />

rendra pas. Si vous entamez un procès, vous risquez des<br />

frais. Le mieux serait de s’entendre à l’amiable. » Il a fait une<br />

plaisanterie sur l’Évangile et m’a reconduite en riant. Mes<br />

quinze roubles sont perdus ! Je reviens près d’Olia. Nous<br />

voilà l’une en face de l’autre. Je me mets à pleurer. Elle ne<br />

pleurait pas, fière, et indignée. Elle a toujours été comme ça,<br />

même étant petite, jamais se plaindre, jamais pleurer. Et, ce<br />

jour-là, elle regardait droit devant elle, avec un air sévère.<br />

Cela me faisait peur. J’avais peur d’elle, tout à fait peur ;<br />

quelquefois je voulais pleurer, mais je n’osais pas devant<br />

elle. Je m’en vais chez le marchand, pour la dernière fois, et<br />

je me mets à pleurer à mon aise : « C’est bien », qu’il me dit,<br />

sans même m’écouter. Et nous qui avions déjà fait des<br />

dettes, parce que, il faut que je vous dise, nous ne comptions<br />

pas rester si longtemps à attendre, et, depuis des temps,<br />

nous n’avions plus d’argent. J’ai engagé petit à petit toutes<br />

mes robes, et nous vivions de cela. Après, elle m’a donné son<br />

linge, pour que je le vende. Alors, j’en ai versé des larmes !<br />

Voyant cela, elle frappa du pied et courut chez le marchand.<br />

Il est veuf ; il lui a parlé. « Venez après-demain, qu’il lui a dit,<br />

à cinq heures ; peut-être que j’aurai quelque chose à vous<br />

dire. » Elle est revenue plus gaie : « Voilà, disait-elle, peutêtre<br />

qu’il décidera quelque chose. » Le surlendemain, elle<br />

rentre de chez le marchand, toute pâle, toute tremblante, elle<br />

se jette sur le lit. J’ai tout compris, et je n’osais pas<br />

l’interroger. Imaginez-vous : il lui avait présenté quinze<br />

roubles, le misérable, en lui disant : « Si je trouve l’honnêteté<br />

complète, j’ajouterai quarante roubles. » Il lui a dit cela en<br />

face, il n’a pas eu honte. Elle m’a raconté qu’elle s’était jetée<br />

sur lui, mais il l’a repoussée et s’est enfermé à clef dans la<br />

seconde chambre. Et chez nous, je vous le dis sincèrement, il<br />

n’y avait pas de quoi manger. Jusqu’à nos pelisses qui<br />

– 194 –

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