Vies brisées - Arte
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La privatisation meurtrière des conflits<br />
Dans les guerres civiles, les forces en présence pillent de plus en plus souvent les<br />
ressources naturelles et se livrent à des extorsions de fonds auprès des civils pour<br />
financer le conflit ou, en premier lieu pour assurer la poursuite des hostilités. Les<br />
forces armées se servent des civils en usant brutalement de la force et des menaces,<br />
contraignant les communautés à leur céder des abris, de la nourriture, de l’argent,<br />
des recrues et des faveurs sexuelles.<br />
Les diamants en Angola et en Sierra Leone; le pétrole au Soudan et en Angola; le<br />
cuivre en Papouasie Nouvelle Guinée; le coltan, l’or et d’autres minerais en RDC:<br />
toutes ces ressources sont exploitées et vendues par les gouvernements et les<br />
commandants militaires locaux en échange de fournitures militaires et de gains<br />
financiers personnels. Un gouvernement pris à la gorge peut parfois hypothéquer<br />
ses précieux stocks de ressources naturelles pour financer immédiatement ses<br />
achats d’armes et de munitions. Au Rwanda, avant le génocide, les plantations de thé<br />
ont été hypothéquées pour l’achat d’armes en provenance d’Egypte. 179 En République<br />
du Congo, avant les massacres de Brazzaville en 1997, la production de pétrole à<br />
venir avait été vendue pour obtenir des armes. 180<br />
Dans à peu près le quart des quelques 40 conflits dans le monde en 2001, le contrôle<br />
des ressources naturelles a été un enjeu majeur qui a généré au moins 12 milliards<br />
de dollars par an. 181 Dans ces situations, le pouvoir économique et le pouvoir armé<br />
marchent main dans la main, se renforçant mutuellement et laissant largement<br />
impunis les exploiteurs.<br />
Les rapports du Groupe d’experts de l’ONU sur le Libéria, qui vérifie la conformité<br />
de l’embargo onusien sur les armes, soulignent le rôle du bois d’exportation dans le<br />
financement de cette guerre tragique, où des violations des droits humains sont<br />
commises des deux côtés. De plus, les marchands de bois auraient facilité les<br />
transferts d’armes. 182<br />
Dans nombre de ces conflits, la capacité d’influencer les belligérants est<br />
extrêmement réduite. Ces derniers développent leur indépendance financière et<br />
s’éloignent du contrôle idéologique caractéristique de la guerre froide. Ce qui fait<br />
que, pour eux, les avis extérieurs importent peu. Ils se sentent libres de commettre<br />
de graves violations du droit international humanitaire et du droit international<br />
relatif aux droits humains. Bloquer la source des armes ou mettre un terme au<br />
commerce des ressources sont deux des moyens que l’on peut mettre en oeuvre pour<br />
modifier leur comportement.<br />
‘Nos diamants servent de<br />
monnaie d’échange pour des<br />
armes et tout cela de<br />
manière clandestine. Si<br />
j’avais le pouvoir, personne<br />
ne ferait le commerce<br />
d’armes dans mon pays,<br />
parce que je sais ce qu’est<br />
une guerre. Je lance un<br />
appel à tous ceux qui<br />
vendent des armes à nos<br />
frères pour nous détruire, de<br />
cesser de le faire.’<br />
Chef Mohammed Koroma, Boajibu, Sierra<br />
Leone, 2001 178<br />
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