Vies brisées - Arte

Dans les cas les plus extrêmes de violence urbaine, comme dans certaines régions
du Brésil et ailleurs, les combats territoriaux entre les factions ou contre la police ont
augmenté à un tel niveau que le nombre de morts et de blessés est comparable ou
pire à celui des guerres officiellement déclarées. 222
Les drogues illégales sont responsables de la militarisation des communautés. La
culture, la transformation et la distribution des drogues établissent et concentrent le
pouvoir entre les mains de ceux qui y sont impliqués; ils créent un environnement
dominé par les armes à feu dont ils se servent pour protéger et maintenir les
puissants intérêts impliqués dans ce trafic, pour réduire au silence toute critique et
pour faire du racket, qualifié ‘d’impôt’. Ceci est vrai à la fois dans les zones rurales
où les paysans cultivent les plants, souvent en subissant une énorme pression
économique, et dans les zones urbaines des pays développés et des pays en
développement, où les revendeurs de drogue font la loi dans les villes. Dans
plusieurs régions des Etats-Unis et du Brésil, dans le début des années 90, on a pu
constater une nette recrudescence des homicides impliquant des armes à feu: ce
phénomène était la conséquence de l’intensification de la guerre des gangs pour le
contrôle du trafic de crack. 224
Les groupes armés sont souvent étroitement liés au trafic de stupéfiants. On estime
que 95 p. cent de l’opium dans le monde provient de pays ravagés par la guerre; 225 en
Afghanistan et au Myanmar, pour ne nommer que ces deux pays, la drogue finance
les groupes armés. Souvent les armes et la drogue se croisent sur la même route, se
servent des mêmes réseaux, des mêmes intermédiaires et des mêmes passeurs. Les
bénéfices réalisés par le trafic de stupéfiants servent à acheter des armes, des
munitions, de l’équipement militaire, des uniformes et d’autres produits: parfois
même les armes sont troquées directement. Le Triangle d’or, une zone située entre
la Thaïlande, le Myanmar et le Laos, connue pour sa production d’opium et de
méthamphétamine (appelé communément ‘speed’), s’est fait une réputation de
refuge pour les groupes rebelles régionaux qui trafiquent des fusils d’assaut AK-47 et
M-16, des lance-grenades, des mines terrestres et même des missiles sol-air. 226
Il y a des cas où les organismes responsables de l’application des lois font une
utilisation illégale des armes dans leur lutte contre le trafic illégal de drogues. En
février 2003, le premier ministre de Thaïlande a annoncé une ‘guerre contre la
drogue’. Les conséquences de la campagne gouvernementale contre le trafic de
stupéfiants ont été qualifiées de politique de tir à vue de facto sur quiconque était
soupçonné d’implication dans le trafic de drogues. 227 Trois semaines plus tard,
Amnesty International faisait part de ses graves préoccupations concernant les
informations sur la mort de centaines de suspects par les forces de sécurité du pays:
‘Il est affligeant de constater qu’après dix années d’un net progrès de la situation des droits
humains en Thaïlande, le gouvernement a aujourd’hui décidé de faire machine arrière.’
‘Les stupéfiants vont vers le
nord, mais les armes et les
munitions illégales vont,
elles, vers le sud.’
Ronald Gajraj, ministre de l’Intérieur
de Guyane, 2002 223
‘J’ai peur. Mais le but c’est
que les autres membres du
gang aient encore plus peur
de moi. Si je suis habillé,
[si j’ai une arme] alors
on est quitte.’
Un membre d’un gang en Californie,
Etats-Unis, 2003 228
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