AUTOINSIDE Édition 1 – Janvier 2022

POLITIQUE & DROIT
Entretien avec Roland Bilang, directeur d’Avenergy Suisse
« L’approche politique actuelle
est unilatérale et irresponsable »
« Ne vous débarrassez pas trop rapidement du moteur à combustion, ce serait la plus grande erreur que vous
pourriez faire » : dans l’entretien qu’il a accordé à AUTOINSIDE, le directeur d’Avenergy Suisse, Roland Bilang,
parle des conséquences de la politique actuelle, relativise le boom de l’électromobilité et révèle quel rôle
les carburants synthétiques pourront jouer à l’avenir. Reinhard Kronenberg
Roland Bilang, directeur d’Avenergy Suisse.
Pour commencer, une question qui n’intéressera
sans doute pas que les garagistes,
mais tous les automobilistes du pays : quand
le prix de l’essence et du diesel
rebaissera-t-il ?
Roland Bilang : Il est difficile d’établir un
pronostic fiable, même pour les analystes
professionnels, car l’évolution du prix de l’essence
dépend de plusieurs facteurs, dont la
plupart sont de nature politico-économique
et mondiale. Un exemple : fin novembre,
les États-Unis ont libéré des réserves stratégiques,
ce que personne n’avait vu venir et
qui a eu un impact considérable sur le marché.
Actuellement, la situation dépend aussi
de la manière dont la demande évoluera
cet hiver, car la fluctuation des prix reflète
avant tout celle de la demande. Nous pensons
cependant que les prix n’augmenteront
pas beaucoup à court terme.
D’un côté, on observe une croissance de la
population suisse et, ainsi, du nombre de
voitures. Et le coronavirus fait que les gens
renoncent aux transports publics en faveur de
l’automobile. D’un autre côté, les voitures deviennent
toujours plus économes en énergie,
particulièrement sous la forme de la mobilité
électrique. Quel est l’impact de ces tendances
sur les activités des stations-service ?
Bien qu’un nombre nettement supérieur de
kilomètres ait été effectué au cours de ces
dix dernières années, nous enregistrons des
ventes de carburant presque constamment
stables. Cela est dû avant tout à la technique
de motorisation, plus efficace, et non à la
mobilité électrique, du moins pas encore. La
pandémie de coronavirus a changé la donne
il y a près de deux ans. À cela s’ajoute le fait
que l’essor des véhicules électriques va montrer
ses premiers effets. Pour ces raisons,
nous pensons que les ventes de carburant
reculeront légèrement l’an prochain, de manière
limitée toutefois.
Exploiter une station-service est-il toujours
rentable ? Et à quoi ressemblera la
station-service du futur ?
C’est toujours rentable, même si le marché
continue à se consolider, et probablement de
manière un peu plus rapide à l’avenir. Cette
évolution dépend des stratégies des grandes
entreprises, qui dépendent elles-mêmes des
évolutions internationales. Il y a toujours
eu ce type de phases. Par rapport à la station-service
du futur, nous avons un jour
organisé un concours au Salon de l’auto de
Genève, quand celui-ci avait encore lieu. Le
projet vainqueur était très proche de ce que
nous avions imaginé : il y aura moins de stations-service,
mais elles seront plus grandes,
et intégrées dans un système de mobilité écologique
global.
Récemment, vous avez vous-même posé la
question suivante : « En politique comme
dans la branche automobile, on parle de
retournement de tendance inattendu et
rapide. Beaucoup saluent cette évolution
presque avec euphorie du point de vue
de la politique environnementale. La fin du
moteur à combustion est-elle effectivement
scellée ? » Quelle est votre réponse ?
À mon avis, il s’agit là d’une vision des choses
répandue, mais superficielle : je considère
qu’il est absolument nécessaire de la relativiser
en s’appuyant sur du matériel statistique.
Bien entendu, nous enregistrons une
forte hausse des chiffres de vente des voitures
électriques. La vision des choses que
vous évoquez se fonde uniquement là-dessus,
et dissimule ce qu’il se passe à l’autre bout
du spectre, à savoir que les gens achètent, en
même temps, de plus en plus de grosses cylindrées
à essence. Dans de nombreux cas,
la voiture électrique constitue aujourd’hui
le second choix d’un ménage, en complément
d’une voiture à propulsion thermique.
Si votre voisin acquiert, à côté de son toutterrain,
une voiture électrique pour se rendre
en ville de temps en temps, cela a peu d’impact
sur les ventes de carburant. Dans ce
contexte, cela ne nous dit absolument rien
sur l’avenir des moteurs à combustion.
La mobilité électrique est menacée depuis
peu par l’épée de Damoclès de la pénurie
énergétique. Les angoisses que l’on note
concernant la recharge des véhicules
électriques reflètent la question cruciale
suivante : l’approvisionnement en électricité
renouvelable parviendra-t-il à suivre
le rythme de l’évolution de la mobilité
électrique dans notre quotidien ? Telle est
la deuxième question que vous vous posez.
Qu’y répondez-vous ?
La question de savoir s’il y aura suffisamment
d’électricité en hiver fait l’objet d’un débat
public depuis peu. L’an dernier, au salon
Olma à Saint-Gall, j’ai suivi une conversation
dans laquelle des clients, qui s’intéressaient
à un véhicule électrique, se demandaient en
même temps s’ils seraient en mesure de le
recharger. Il me semble que les consomma-
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