Journal asmac No 2 - avril 2024
Système - Société, santé, salubrité Politique - Deux initiatives à l’épreuve Psychoanaleptiques - Utilisation off-label dans les soins palliatifs Tiques - Les infections rares
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Politique - Deux initiatives à l’épreuve
Psychoanaleptiques - Utilisation off-label dans les soins palliatifs
Tiques - Les infections rares
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Point de mire: Système<br />
Selon le Larousse, un système est<br />
«un ensemble de procédés, de<br />
pratiques organisées, destinées à<br />
assurer une fonction définie». Ou<br />
encore «une société considérée comme un<br />
ensemble structuré et rigide». Ces deux<br />
définitions s’appliquent à merveille au<br />
monde des fourmis – si l’on excepte le côté<br />
rigide qui ne le caractérise pas.<br />
Ces insectes vivent en effet dans des<br />
sociétés très organisées, sans être pour<br />
autant centralisées. Leurs colonies ne<br />
comptent en effet ni maître – les mâles ne<br />
survivent pas au ballet nuptial – ni maîtresse.<br />
La reine ne règne pas. Elle ne<br />
donne aucun ordre et n’a aucun pouvoir.<br />
Sa seule fonction est de se reproduire et<br />
d’assurer ainsi la croissance de la colonie.<br />
Quant à ses filles, les ouvrières pour la<br />
plupart stériles, elles assurent les tâches<br />
quotidiennes en se répartissant le travail.<br />
Les nourrices s’occupent du couvain<br />
(œufs, larves et nymphes), les fourragères<br />
se chargent de la quête de nourriture, les<br />
bâtisseuses construisent la fourmilière et<br />
les guerrières défendent la colonie.<br />
Photo: Erik T. Frank<br />
Changement de fonction<br />
On a longtemps pensé que cette division<br />
du travail était uniquement fondée sur<br />
l’âge. Il était en effet admis que les ouvrières<br />
les plus jeunes prenaient soin du<br />
couvain, puis de l’entretien du nid et que<br />
seules les plus âgées se risquaient à l’extérieur<br />
pour accomplir des tâches plus périlleuses.<br />
La réalité est différente, comme le<br />
montre une étude que nous avons menée<br />
au Département d’écologie et d’évolution<br />
de l’Université de Lausanne [1]. <strong>No</strong>us avons<br />
utilisé un système de marquage avec des<br />
codes-barres, afin de suivre pendant cinq<br />
mois le comportement et les interactions<br />
sociales de plus de 500 individus (voir photo<br />
1). Cela nous a permis de constater que<br />
toutes les ouvrières sont d’abord des nourrices<br />
avant de devenir des fourragères, la<br />
transition se faisant rapidement, c’est-àdire<br />
en une ou deux semaines. En revanche,<br />
ce n’est pas à un âge prédéterminé<br />
qu’une ouvrière passe d’une fonction à<br />
l’autre. Cette transition se fait de manière<br />
stochastique, indépendamment de l’âge<br />
des individus, ce qui permet à la colonie de<br />
ne pas être dépendante de la pyramide des<br />
âges et ainsi de disposer en permanence du<br />
nombre de nourrices et de fourragères nécessaires<br />
à ses besoins.<br />
Eviter la propagation des maladies<br />
Les ouvrières appartenant à ces différents<br />
groupes de travail ont relativement peu de<br />
Photo 2: Ouvrière Matabele nettoyant la plaie d’une consœur (marquée en vert)<br />
qui a eu une patte coupée.<br />
contacts les unes avec les autres. Elles occupent<br />
en effet des zones différentes du<br />
nid, ce qui diminue la probabilité de transfert<br />
des pathogènes.<br />
<strong>No</strong>us nous sommes demandé si elles<br />
étaient capables de modifier de manière<br />
adaptative leur réseau social lorsqu’elles<br />
sont confrontées à des maladies. Pour répondre<br />
à cette question, nous avons exposé<br />
des fourragères aux spores d’un champignon<br />
pathogène transmissible par<br />
simple contact, puis nous les avons suivies<br />
à l’aide de la technique mentionnée<br />
précédemment [2]. En comparant l’organisation<br />
de la fourmilière avant et après<br />
l’introduction de l’agent infectieux, nous<br />
avons constaté que les fourmis sont capables<br />
de détecter, sur leur organisme, la<br />
présence des spores dont elles s’efforcent<br />
de se débarrasser.<br />
En outre, elles ajustent rapidement<br />
leur comportement pour limiter l’extension<br />
de l’infection. Les fourragères qui ont<br />
été exposées aux spores s’isolent et<br />
passent plus de temps hors de la fourmilière<br />
et, quand elles sont dans le nid, elles<br />
limitent leurs interactions avec les ouvrières<br />
s’occupant d’autres tâches.<br />
Les nourrices contribuent, elles aussi,<br />
à limiter la propagation du pathogène en<br />
s’empressant de déplacer la reine et le<br />
couvain au plus profond du nid pour les<br />
mettre à l’abri.<br />
Preuve que, depuis des millions d’années,<br />
les fourmis ont adopté ces «gestes<br />
barrières» que nous n’avons découverts<br />
que très récemment, pendant l’explosion<br />
de la pandémie du COVID-19.<br />
Soigner les blessées<br />
Les fourmis ne sont pas seulement capables<br />
de prendre des mesures prophylactiques,<br />
elles peuvent aussi prendre en<br />
charge leurs congénères blessées.<br />
<strong>No</strong>us avons mis en évidence leurs talents<br />
de soignantes en observant des fourmis<br />
Matabele qui ont coutume d’attaquer<br />
des termites pour s’en nourrir. Leurs raids<br />
sont violents et souvent, plus d’une attaquante<br />
sur quatre se retrouve avec une ou<br />
vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong> 2/24 29