Espaces imaginaires - Adehl
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brahmans, aux Garamantes et autres ascètes, anachorètes et sages<br />
orientaux. Un siècle plus tard, en 1641, quand il reprend le topos dans<br />
A Description of the Famous kingdome of Macaria, Gabriel Plattes est<br />
bien conscient de la confluence qu’il impose aux matières orientales<br />
et occidentales, plaçant son royaume à mi-distance entre l’Inde et<br />
l’Océan Atlantique, quelque part au Nord de l’Afrique. Entourée de<br />
déserts, l’utopie de Plattes, un véritable « jardin fruitier », respecte<br />
le thème biblique de l’Eden, pari-daida en ancien persan, pari-daeza<br />
en langue mède, « enceinte délimitant un jardin ». Autres utopistes<br />
de la Révolution anglaise, comme James Harrington et John Sadler,<br />
préféreront, quant à eux, installer leurs Océana et Olbia dans les îles<br />
fortunées de l’Atlantique.<br />
En 1778 encore, à l’époque où paraît l’Arcadie de Bernardin de<br />
Saint-Pierre, Julien-Jacques Moutonnet-Clairfons publie un texte<br />
utopique pastoral, Les Isles Fortunées, ou Les Aventures de Bathylle et<br />
de Cléobule. Le roman se passe durant l’Antiquité, dans un passé<br />
imaginaire traité selon les schémas de l’idylle anacréontique. Il<br />
met en contraste deux espaces paradigmatiques, Athènes et les<br />
Iles Fortunées. A l’inverse de ce qui se passe chez Platon, Athènes<br />
ne fait pas figure de cité vertueuse face à un royaume atlantique<br />
arrogant et dépravé, c’est elle qui représente la décadence et la<br />
débauche comparativement à un archipel arcadien. Athènes, à<br />
travers laquelle transparaît facilement le Paris de Moutonnet-<br />
Clairfons, se trouve donc dans la position de la topie négative, alors<br />
que les Iles Fortunées incarnent la topie positive.<br />
Les Isles Fortunées présentent deux personnages qui, à des époques<br />
distinctes, tentent de s’évader du grand cloaque athénien. Le premier<br />
est Cléobule, jeune libertin de Corinthe, obligé de quitter la ville<br />
après le déshonneur et le suicide de son aimé. Fait prisonnier par<br />
des pirates, il s’échappe, parcourt les îles Hespérides, puis l’île des<br />
orgueilleux et finit par s’établir dans les Iles Fortunées. Le deuxième<br />
est Bathylle, jeune homme né en Ionie, à Teos (ville d’Anacréon),<br />
et éduqué à Athènes par le philosophe Théophante. Dégoûté par<br />
la corruption de la cité, il s’embarque pour un long périple, par les<br />
Cyclades, le Dodécanèse, le Tyr, la Phénicie, l’Egypte, la Crète, la<br />
Cythère, l’Ogygie, pour déboucher dans l’Atlantique et échouer sur<br />
les Iles Fortunées, où il est accueilli par son précurseur, Cléobule.