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Espaces imaginaires - Adehl

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26<br />

soyez point étonnés que la population de l’Amérique soit peu<br />

importante, ni que ce peuple soit si rude et si ignorant. […] Car<br />

les rares survivants de l’espèce humaine qui demeurèrent dans les<br />

montagnes repeuplèrent lentement le pays. Frustes et sauvages<br />

(contrairement à Noé et ses fils, la plus digne famille de la terre),<br />

ils ne purent léguer à leur descendance ni les lettres et les arts ni un<br />

genre de vie civilisé » 26 .<br />

Les vrais dépositaires de l’ancienne sagesse atlantique seraient<br />

les habitants de Bensalem, « nouvelle Atlantide » située dans le<br />

Pacifique du Sud, au-delà des Amériques. Bacon enveloppe la<br />

description de l’île dans une aura messianique, faisant un usage<br />

assez libre de la Vulgate et de la Version Autorisée de la Bible du<br />

roi James. Emporté par les vents dans des zones non explorées du<br />

Pacifique, le narrateur voit apparaître le port de Bensalem comme<br />

la terre créée par Dieu au milieu des eaux cosmiques. Plus loin, il<br />

exprime sa gratitude par une autre comparaison biblique : « Nous<br />

avons été jetés sur cette terre tel Jonas rejeté du ventre de la baleine,<br />

alors que nous étions tout aussi ensevelis que lui dans l’abîme » 27 .<br />

Le projet pansophique de l’Atlantide baconienne est ainsi présenté<br />

comme une nouvelle création au sein du monde actuel, comme<br />

l’émergence d’une réalité future meilleure, d’une utopie humaine.<br />

La métaphore centrale de la vision créationniste de Bacon est<br />

l’Eden biblique. L’arrivée à Bensalem se veut une parabole de la<br />

rentrée de l’homme dans le Paradis, après la longue randonnée de<br />

l’histoire humaine : « Il nous semblait avoir devant les yeux une<br />

image de notre salut en Paradis. Car nous qui, un instant auparavant,<br />

étions encore dans les griffes de la mort, nous nous trouvions à<br />

présent en un lieu qui n’était que consolations » 28 . Les attributs<br />

du jardin divin ne font pas défaut, puisque les voyageurs voient<br />

leurs maladies guérir comme s’ils avaient plongé dans « quelque<br />

fontaine miraculeuse ». Cependant, l’excellence de Bensalem<br />

n’est due ni aux « miracles divins », ni aux « œuvres de la nature »,<br />

mais aux « ouvrages de l’art » 29 . Comme toute utopie, la Nouvelle<br />

Atlantide doit sa perfection à l’ingéniosité des hommes. Nouveaux<br />

26 Francis BaCon, La nouvelle Atlantide, p. 101.<br />

27 Ibidem, p. 89.<br />

28 Ibidem, p. 92.<br />

29 Ibidem, p. 94.

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