Espaces imaginaires - Adehl
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24<br />
cartes. Si les îles de l’Océan Indien connotent la richesse et la<br />
fécondité naturelle, les îles de l’Atlantique deviennent le support<br />
d’une utopie sociale d’inspiration platonicienne. Les Canaries, ayant<br />
reçu aussi les noms d’Iles Fortunées et d’Hespérides, seraient les<br />
restes de l’ancienne civilisation des Atlantes. Bien que la grande<br />
civilisation décrite par Platon fût disparue avec la submersion de<br />
l’Atlantide, ses successeurs auraient continué à vivre dans une île<br />
plus petite, isolée et fermement close à l’extérieur, selon le modèle<br />
du Paradis terrestre insulaire.<br />
Dans cette poche ou oasis maritime, Séthos a l’occasion de<br />
rencontrer une civilisation en contraste exemplaire avec les peuples<br />
sauvages et vicieux du continent africain et de l’oïkoumènê en général :<br />
« le pays sacré des Hespérides étoit un exemple de l’innocence où se<br />
conservent quelques hommes éloignés du commerce des peuples<br />
pervertis par le luxe & par l’ambition. Il ajouta que leur Nation lui<br />
rappelloit véritablement l’âge d’or ; non pas tel que des hommes<br />
corrompus se le représentent, mais tel que l’amour de la félicité<br />
publique en fasoit souhaiter le retour à des hommes sages » 24 .<br />
Descendants, par leur roi-ancêtre Atlas, des rois scythes Urane et<br />
Titaea et de leurs enfants les Titans (Jean Terrasson reste fidèle<br />
à l’interprétation évhémériste des généalogies divines), les Atlantes<br />
sont les sujets d’une utopie régressive, qui doit son excellence moins<br />
à l’édification qu’à la conservation d’une sagesse sociale ancestrale.<br />
L’idée que les Îles Fortunées et autres archipels atlantiques<br />
sont les restes de l’ancien continent de l’Atlantide a été reprise par<br />
l’officier Jean-Baptiste-Geneviève-Marcellin Bory de Saint-Vincent.<br />
En 1803, le colonel publiait un traité, Essais sur les Isles Fortunées et<br />
l’antique Atlantide, ou Précis de l’Histoire générale de l’Archipel des Canaries,<br />
dans lequel il soutenait que l’Atlantide avait réellement existé et<br />
qu’elle avait été détruite par une éruption volcanique qui avait percé<br />
le détroit de Gibraltar et provoqué le déversement catastrophique<br />
des eaux plus hautes de la Méditerranée dans l’Atlantique. (En<br />
réalité, les théories géologiques contemporaines affirment que, au<br />
moment de l’ouverture du Gibraltar, le flux d’eaux a couru dans<br />
le sens inverse, de l’Atlantique dans la Méditerranée). Avant d’être<br />
24 Abbé Jean TerraSSon, Séthos, Histoire ou vie tirée des monumens. Anecdotes de l’ancienne<br />
Egypte, p. 403-404.