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Hommes et Mythes 1

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Le culte des AncZtres s'analyse en fait comme un culte de la lignde, c'est-a-dire<br />

de l'ensemble des %mes dans un groupe de commune desccndance - ensemble<br />

dont une partie est en attente dans 1'Au-del2 tandis que l'autre mkne sur c<strong>et</strong>te<br />

terre une existence active <strong>et</strong> productive, assurant la base economique de l'kdifice.<br />

Une dkmographie relativement stable, jointe h une organisation sociale par<br />

lignages segmentaires restreints, s'accorde chez les Hmong avec le cycle court<br />

(grand-pke-p<strong>et</strong>it-JiIs) command6 par l'absence de gkndalogie. Chez les Chinois,<br />

par contre, on constate une double capitalisation : d'rirnes mortes dans la g6nC.a-<br />

logie <strong>et</strong> de vivants dans le lignage, qui se veut toujours en expansion i:conornique<br />

<strong>et</strong> demographique.<br />

Si complementaire qu'elle soit du culte des Ancctres, il ne faudrait pas voir<br />

la rkincarnation dans sa lignke comme naturelle <strong>et</strong> allant de soi. Entre l'idce de<br />

la reincarnation <strong>et</strong> son utilisation au profit de la lignke, il y a la distance de la<br />

nature A la culture. Chez les Hmong, c<strong>et</strong>te distance est franchie a l'aidc du chant<br />

initiatique, le Kr'oua Kk, qui guide I'%me du mort vers sa destination finale.<br />

Cependant, B entendre les recommandations ultirnes du chanteur B l'5nle<br />

voyageuse, on devine que des %mes peuvent s'ilgarer. Apparcrnmcnt, l'grne en<br />

ma1 de reincarnation erre par le village, B la recherche d'un ventre fecondi. pour<br />

s'y loger. Elle peut donc s'incarner dans une autre lignbe, voirc dans un animal.<br />

Les 2mes des vivants elles-mcmes nl@chappent pas h c<strong>et</strong>te tentation. Si l'5me<br />

en fuite <strong>et</strong> partie se rdincarner parrient i ses fins, le corps qu'elle :L quittd tombe<br />

malade <strong>et</strong> ne tarde pas B mourir, & moins qu'un chamane ne r<strong>et</strong>rouve sa trace<br />

<strong>et</strong> ne la ramene dans sa premiere demeure.<br />

Les villages hmong traditionnels sont fortement touches par la mortalit6<br />

infantile1. Parfois un couple peut voir jusqu'a trois enfants mourir successivement<br />

au cours de leur premiere annee, alors qu'ils semblaient jusque-lh bien portants.<br />

Ces naissances rapprochkes <strong>et</strong> ces morts successives dans les msrnes conditions<br />

sont considQCes par les parents comrne l'indice d'un rnauvais tour que leur<br />

jouerait un enfant unique qui s'amuserait B r<strong>et</strong>ourner pbriodiquement dans le<br />

ventre de sa mhre. Pour m<strong>et</strong>tre un terme & la plaisanterie, il faut confondre le<br />

rnalicieux. On fait venir un exorciste, qui sacrifie un cochon <strong>et</strong> un poul<strong>et</strong> <strong>et</strong> marque<br />

l'enfant mort avec le sang des victimes. On lui fait par exemple une tache rouge<br />

sur la figure, on y ajoute un peu de noir de fond de marmite, parfois mZme on<br />

lui colle des soies de cochon B la jambe, <strong>et</strong>c. Lorsque parait l'enfant suivant, si<br />

l'on r<strong>et</strong>rouve ces signes, le voili dkmasqui.. On lui fait honte, il ne pourra plus<br />

recommencer !<br />

Ces naissances <strong>et</strong> morts successives ont parfois un aspect offensif. I1 s'agit<br />

alors de l'2me d'un creancier dilfunt venant reprendre son bien auprks de son<br />

dCbiteur. En eff<strong>et</strong>, si la mort a interrompu le recouvrement de sa crhance, l'rime<br />

I. Comme je l'ai soulignb dans J. LEMOINE, Un Vzllage Hmong Ve~t du Haut-Laos, Paris,<br />

Ed. du CNKS, 1972.

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