You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
98 INITIATION DU MORT<br />
de deuil <strong>et</strong> il serait vain d'imaginer que le d6part du mort pour 1'Au-deli se<br />
fasse instantanbment, au fil du chant initiatique. J'ai d6jA signal6 le d6lai de<br />
treize jours au tombeau pendant lesquels s'ophre la mutation premiGre, de l'homme<br />
en esprit. Ce n'est qu'aprhs la cQ6monie du Seu que le mort quitte definitivement<br />
sa maison. Mais dbjh il a perdu toute substance corporelle <strong>et</strong>, esprit parmi les<br />
esprits, il n'est plus qu'une Lme qui va partir pour 1'Au-deli.<br />
De son vivant, son moi se composait d'une multiplicit6 d'Lmes dont le nombre<br />
variait, susceptible de s'accroitre au besoin <strong>et</strong> l'analysel, notamment lorsqu'on<br />
faisait appel i un chamane pour expliquer certaines maladies. Nommbes collec-<br />
tivement ndjozt (ntsuj), la plupart d'entre elles disparaissent avec le corps dans<br />
la mort.<br />
A mesure que le corps se corrompt <strong>et</strong> perd sa forme, il ne reste plus que trois<br />
gmes. L'une garde le tombeau, l'autre vagabonde quelque temps dans la nature<br />
en fant6me susceptible d'apparaitre aux vivants2, la troisihme - on l'appelle<br />
alors plig - va partir pour le long voyage dans 1'Au-del& <strong>et</strong> la rbincarnation.<br />
C'est A elle que les rites de conge du Seu, comme plus tard ceux du KelLchement<br />
de l'Lme, Tchao Pli (tso plig), s'adresseront. Le dernier rite peut intervenir d b<br />
la fin de lJann6e, mais le plus souvent beaucoup plus tard. En eff<strong>et</strong>, il nbcessite<br />
un sacrifice presque aussi important que les funCrailles, donc entraine des frais<br />
auxquels la moyenne des familles ne peut faire face B aussi brGve 6ch6ance.<br />
Entre le Seu <strong>et</strong> le Tclzao Pli, l'Lme, pli, est cens6e accomplir son voyage<br />
vers le village de ses Anc<strong>et</strong>res.<br />
Toutefois la force magique du chant est telle que le chanteur se consid6re<br />
Q bon droit comme parti <strong>et</strong> entrain6 2 la suite du mort. I1 aura soin, a plusieurs<br />
reprises, d'abord de rappeler son anonymat, assur6 par le personnage ph6nombnal<br />
qu'il se compose :<br />
(( ... un homme, un bonhomme aux oreilles grandes comme des vans, aux<br />
yeux comme des tasses, aux larges mains comme des ' mains ' de buffle,<br />
aux gros pieds comme des ' pieds ' de buffle ... [<strong>et</strong>c.] ))<br />
I. Cf. ~~~ZORBCHAND, art. cit.: 83 sq. On y trouvera en particulier une liste de 32 2mes<br />
donnCe par un chamane converti au catholicisme. C<strong>et</strong>te liste peut varier selon les chamanes<br />
<strong>et</strong> n'est pas non plt-:: t.uhaustive. La tradition chamanique est d'ailleurs beaucoup plus<br />
sophistiquCe, sur re 1 ..it., que la tradition populaire qui ne connait que les trois 2mes des<br />
rites de deuil. Tout en : ~~aant confiance au spCcialiste lorsqu'il est malade, le Hmong qui n'est<br />
pas chamane se perd t1i.s vite dans c<strong>et</strong>te muItipIicitC d'5mes au nom souvent Ctrange <strong>et</strong> de<br />
fonction encore plus obscure.<br />
2. Ce n'est pas B elle qu'il est fait allusion dans ce passage du Kr'oua Ice' de Ets'ong<br />
Neng : R Ton fant8me te prend par la main, tu te croises les bras, tu te croises les jambes<br />
<strong>et</strong> t'Cl&ves avec ton fant8me ... D, mais plutBt B la pli que le texte nomme d'ailleurs : ?zdjo~<br />
tlang (ntsuj dlaab) e 2me esprit r. I1 s'agit Cvidemment de l'esprit qui se dCgage du corps<br />
tout en conservant les apparences, en particulier celle du somptueux costume de deuil.<br />
J'ai choisi de traduire 7ar (I fant8me n pour conserver c<strong>et</strong>te image de double spirituel.