Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
L'HOMME ET LE DELUGE 8 1<br />
tambour, chez les Hmong, qui est rCservC aux deuils <strong>et</strong> aux chdmonies funhaires<br />
annexes, est bien le seul obj<strong>et</strong> domestique qui puisse ttre fermC herm<strong>et</strong>iquement,<br />
donc flotter au milieu des ClCments d6chainCs. Mais s'agit-il bien de flotter ?<br />
Chez les Nosu, c'est dans un coffre de bois que les rescapds trouvent place. LA,<br />
enfermds, soustraits en quelque sorte 2 lJ6v6nement <strong>et</strong> comme anesthdsids, ils<br />
attendent le premier chant du poussin nC dans la main du garqon, qui marque<br />
la fin de leur temps de rCclusion. Dans une des histoires hmong, ils sont tout<br />
simplement soustraits au dCsastre par le tonnerre lui-mtme qui les emmhne avec<br />
lui dans le ciel. Or, dans le mythe mien comme dans une des histoires hmong, ils<br />
ont sauvC le tonnerre en lui donnant de l'eau - sihge de sa force. En l'aidant A<br />
s'enfuir, ils ont en quelque sorte provoqud le ddluge. En reconnaissance de leur<br />
aide, il les sauve. En eff<strong>et</strong>, chez les Mien la courge salutaire n'a-t-elle point germ6<br />
d'une dent du tonnerre ? C'est pourquoi elle peut Ctre aussi un tambour.<br />
Toutes les histoires commencent par une agression. Quand ce n'est pas le<br />
tonnerre, c'est une dCesse, un vieillard, Sho lui-mtme, <strong>et</strong> dans l'histoire de Ngo<br />
Ndjoua <strong>et</strong> Ndjo Nang, la mhre de l'humanitd, qui en est la victime. C<strong>et</strong>te agression<br />
humaine envers les ddmiurges ou les dieux n'est pas la cause directe du dCluge<br />
(sauf dans le cas de Ndjo Nang <strong>et</strong> Ngo Ndjoua), elle perm<strong>et</strong> seulement d7Climiner<br />
tous les hommes 2 l'exception du hCros, B. qui on recommande d'emmener sa<br />
soeur cad<strong>et</strong>te avec lui. ~liminer ses frhres revient, dans une sociCtC 2 lignages<br />
patrilinbaires, 2 couper le hCros de sa soci6td d'origine. N'est-il point destinC 2<br />
fonder l'humanitC nouvelle, celle dont les hQos chinois, Fou Hi <strong>et</strong> Niu Koua,<br />
portent B. la main les symboles : le compas <strong>et</strong> l'dquerre, synonymes des (( bonnes<br />
mceurs )) ? Dans ces conditions, on sJCtonnera de voir toutes les histoires concorder<br />
pour amener le hCros 2 l'inceste - inceste mis en relief d'ailleurs par les rCactions<br />
de dCfense des hCros eux-mCmes. C<strong>et</strong> Cpisode est significatif : alors que les hQos<br />
s'insurgent, c'est la nature - par la voix de la tortue, du bambou ou de l'arbre -,<br />
ou l'homme qui sait tout, le vieux Sho lui-mCme, qui les guident vers ce manage.<br />
Toute culpabilitC disparait devant les preuves accumulCes. C'est A peine si, dans<br />
une histoire hmong, le hCros est accusC d'avoir trichd dans l'dpreuve des pierres<br />
de meule. Le mythe veut-il pr6ner l'inceste ?<br />
La clef de ces contradictions internes nous est peut-&re donnCe par l'histoire<br />
nahsi :<br />
Aprks la crCation du monde ((( D'en haut sortit un son, d'en bas sortit<br />
un souffle, le son <strong>et</strong> le souffle se mClanghrent, il en sortit trois gouttes de<br />
gelCe blanche. La gelCe blanche se transforma, il en sortit Haiche-haije,<br />
Haije-Laj e [<strong>et</strong>c.], les gCnCrations se succddant l'une B. l'autre D), lorsqu'on<br />
arriva B. la gCnCration de Liyin, il y eut 5 frhres Tchaje <strong>et</strong> 6 sceurs Tsimi.<br />
Frkres <strong>et</strong> soeurs se marihrent les uns aux autres, contaminant de leur<br />
impur<strong>et</strong>C le ciel <strong>et</strong> la terre, salissant les montagnes, les rivikres, les arbres.<br />
RCvoltC de leur conduite, le dieu du soleil annonce dCluge <strong>et</strong> tremble-<br />
ment de terre. Toutefois il prCvient un des frhres qui se montre gCnCreux,