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14 INITIATION DU MORT<br />
Aprhs la toil<strong>et</strong>te du mort, au moment oii se m<strong>et</strong> en place peu B. peu tout le<br />
dispositif du deuil, le mort est instruit du chemin qu'il aura 9. parcourir dans<br />
1'Au-deli pour rejoindre ses Ancstres <strong>et</strong> se reincarner. Ce chant s'appelle Kr'oua<br />
Kt, c'est-8-dire (( montrer, enseigner le chemin n. Kr'oua est la variante, en ce<br />
contexte, de kr'a (( instruire, enseigner D, terme qu'on emploie par exemple lors-<br />
qu'un chamane, un herboriste ou un forgeron instruit un disciple de ses tech-<br />
niques <strong>et</strong> des formules qu'il aura 8 prononcer. I1 s'agit bien d'une initiation car,<br />
en temps ordinaire, on ne peut chanter le Kr'oua Kd sans attirer la mort sur soi<br />
<strong>et</strong> sur sa maison. Au cours m6me du chant, le chanteur <strong>et</strong> le mort sont IaissCs seul<br />
8 seul, le chanteur chantant B mi-voix sans aucun autre auditoire que le mort.<br />
Les thkmes du chant constituent un ensemble cohQent <strong>et</strong> original traitant<br />
de l'origine du monde, de l'esphce humaine <strong>et</strong> de la mort, avant d'aborder le che-<br />
min du mort. Le texte suivant, extrait de mon journal de terrain1, a 6t6 enregistre<br />
dans le village de Pha-Hok, province de Saiyaboury, au Laos, le 29 aodt 1965.<br />
[...] La grande maison de Tch'ang Seng domine le chemin 8 lJentr6e du hameau<br />
quand on vient de Pha-Hok. A peine en contrebas, la ligne de la pente s'effondre<br />
brusquement en un &-pic d'argile d6trempCe par la pluie, le long duquel il faut se<br />
hisser pas 8 pas. En prenant pied sur la terre ferme on reyoit comme de plein<br />
fou<strong>et</strong> la longue plainte des femmes d6jB. 8 l'euvre auprhs du corps. Une ouverture<br />
a kt6 pratiqu6e dans le mur aval, B gauche de la porte, <strong>et</strong> dans son prolongement<br />
on a tail16 sur une largeur &gale les pieux de la palissade qui soutiennent le terrassement2.<br />
Ces issues seront refermees aprks la sortie du mort.<br />
Pour l'instant il git sur des lattes de bambou, devant l'autel des esprits auxiliaires<br />
de son phre. L'autel a 6tk recouvert d'un grand voile blanc accrocht! au<br />
Ngra Neng3. Ce n'est pas exactement pour le cacher, comme le voudrait le sens<br />
littQal de I'expression hmong Nbao T'a Neng (( cacher l'autel des esprits auxiliaires<br />
)I, mais en fait pour cacher le mort 8 ces derniers, qui pourraient fuir ...<br />
Je vois Pao G6 pour la premikre fois. C'est un grand <strong>et</strong> beau garqon d'une vingtaine<br />
d'annCes. Le corps <strong>et</strong>roitement lie aux chevilles, aux genoux, aux hanches<br />
<strong>et</strong> aux epaules par des bandes en toile de chanvre blanche, les slzaezd ndoua ndao<br />
I. J'ai rassemblC un certain nornl)re de journCes parmi les plus marquantes de celles<br />
vCcues avec les Hmong, dans un ouvrage non encore termink, ou on trouvera le rCcit compl<strong>et</strong><br />
du deuil au chapitre e Les FunCrailles de Pao GC D, dont ces pages sont extra~tes.<br />
2. Les villages hmong sont souvent situCs sur une pente assez raide, la maison faisant<br />
presque toujours face 5 la pente, ce qui nkcessite un terrassemeut <strong>et</strong> une palissade de<br />
soutbnement.<br />
3. K La barre des gCnies auxiliaires I) : c'est un bambou placC au-dessus de l'autel du<br />
chamane <strong>et</strong> qui sert de support au rCseau de fils conducteurs qui relient I'autel 8. la porte<br />
d'entrk? <strong>et</strong> 8. d'autres endroits de la pibce. Cf. G. MORECHAND,<br />
(( Le Chamanisme des Hmong r,<br />
Bull. Ecole fran~aise d'Extrtnze-Orient, 1968, LIV.