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à l’endroit même où je l’avais trouvé, et je glissai le<br />
magnétophone dans ma poche.<br />
Je revins vers la porte ; les yeux fermés, je guettais les bruits<br />
extérieurs. Rien. J’ouvris la porte sur un gouffre noir et j’eus<br />
enfin l’esprit <strong>de</strong> retirer mes lunettes ; les filaments lumineux,<br />
sous le plafond, éclairaient parcimonieusement la roton<strong>de</strong>.<br />
Répartis entre les quatre portes <strong>de</strong>s cabines d’habitation et le<br />
boyau conduisant à la cabine radio, une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> couloirs<br />
s’éloignaient en étoile dans toutes les directions. Tout à coup,<br />
surgissant d’un renfoncement qui menait à la salle d’eau<br />
commune, une haute silhouette parut, à peine distincte,<br />
confondue avec la pénombre.<br />
Je m’immobilisai, rivé au sol. Une femme géante, <strong>de</strong> type<br />
négroï<strong>de</strong>, s’avançait tranquillement, en se dandinant. J’entrevis<br />
l’éclat du blanc <strong>de</strong> son œil et j’entendis le doux claquement <strong>de</strong><br />
ses pieds nus. Elle n’était vêtue que d’une jupe jaune, en paille<br />
tressée ; ses seins énormes se balançaient librement et ses bras<br />
noirs étaient aussi gros que <strong>de</strong>s cuisses. Elle me croisa – une<br />
distance <strong>de</strong> un mètre à peine nous séparait – sans m’accor<strong>de</strong>r le<br />
moindre regard. Sa jupe <strong>de</strong> paille oscillant en ca<strong>de</strong>nce, elle<br />
continua son chemin, semblable à ces statues stéatopyges <strong>de</strong><br />
l’Âge <strong>de</strong> pierre, qu’on peut voir dans les musées<br />
d’anthropologie. Elle ouvrit la porte <strong>de</strong> Gibarian. Sa silhouette<br />
se détacha nettement sur le seuil, cernée par la lumière plus vive<br />
qui s’était allumée à l’intérieur <strong>de</strong> la chambre. Puis elle referma<br />
la porte. J’étais seul. De la main droite, je saisis ma main<br />
gauche, que je serrai <strong>de</strong> toutes mes forces, jusqu’à faire craquer<br />
les articulations. Le regard absent, je contemplai la gran<strong>de</strong> salle<br />
vi<strong>de</strong>. Que s’était-il passé ? Qu’est-ce que c’était ? Soudain, je<br />
vacillai ; je me rappelais les avertissements <strong>de</strong> Snaut. Qu’est-ce<br />
que cela signifiait ? Qui était cette monstrueuse Aphrodite ?<br />
J’avançai d’un pas, d’un seul pas, dans la direction <strong>de</strong> la cabine<br />
<strong>de</strong> Gibarian. Je savais bien que je n’entrerais pas. Les narines<br />
largement écartées, j’aspirai l’air. Pourquoi ? Ah oui !<br />
Instinctivement, j’avais attendu l’o<strong>de</strong>ur caractéristique <strong>de</strong> sa<br />
sueur ; mais je n’avais rien senti, pas même au moment où nous<br />
n’étions qu’à un pas l’un <strong>de</strong> l’autre.<br />
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