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Anatomie d'un "quartier de gares" : recompositions ... - Urbamet

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vitalité. Mise à nu, la gare en <strong>de</strong>vient triste, i<strong>de</strong>ntique à elle-même –le spectacle régulier<br />

<strong>de</strong>s embouteillages automobiles ne suffisant guère, apparemment, à la consolation.<br />

Pourtant, les flux <strong>de</strong>meurent et le spectacle continue. C'est un spectacle ordinaire, et<br />

laborieux : la marche <strong>de</strong>s piétons est d'abord celle <strong>de</strong>s travailleurs :<br />

Les clients <strong>de</strong> la gare, généralement le matin, on les voit sortir <strong>de</strong> la gare, les gens, bon ce n'est<br />

pas spécialement <strong>de</strong>s clients, ils sortent, ils arrivent <strong>de</strong> la gare généralement, ils sortent, ils<br />

arrivent <strong>de</strong> la gare généralement, c'est <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> la banlieue, ils arrivent certainement par les<br />

TER et puis ils vont au travail dans les bureaux, alors vous avez toute l'administration qui est<br />

<strong>de</strong>rrière nous et puis dans le centre-ville, et puis, à midi, on les revoit qui se déplacent ici tout<br />

près <strong>de</strong> la gare pour déjeuner, c'est un petit peu le train-train et puis vers 13h ou 13h30, ils<br />

repartent et puis voilà, c'est tout, c'est ça au quotidien. (chauffeur <strong>de</strong> taxi, 36 ans, 4 ans<br />

d'ancienneté)<br />

Ces passages répétés sont si étroitement liés au travail que penser un aménagement<br />

<strong>de</strong> la gare sur le modèle du lieu <strong>de</strong> promena<strong>de</strong>, <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> loisirs, est jugé "hérétique"<br />

par ce cafetier, sauf à changer radicalement la structure commerciale du <strong>quartier</strong>, et<br />

engager <strong>de</strong>s travaux démesurés :<br />

Ce n'est pas tellement pour le commerce, les gens qui passent là ?<br />

Non, c'est <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> passage. Tout ce qu'il y a à la gare, c'est la Cité administrative, ils<br />

peuvent <strong>de</strong>scendre pour manger, hormis ça… La gare, en fait, c'est un <strong>quartier</strong> <strong>de</strong> bistrots,<br />

d'hôtels, et point final. Il paraît qu'à la mairie, ils avaient fait un projet <strong>de</strong> gare piétonne, je ne<br />

sais pas quoi ? En fait, c'est une hérésie, parce que, comment voulez-vous faire une rue<br />

piétonne dans un lieu où il y a trois magasins <strong>de</strong> vêtements à tout casser ? Vous allez emmener<br />

promener <strong>de</strong>s gens à voir quoi ? Rien. Si on ne casse pas la moitié <strong>de</strong> la gare pour mettre au<br />

moins quarante magasins, ce n'est même pas la peine. En fait, j'ai l'impression que la mairie<br />

veut sauver Euralille, ils ont mis tellement d'argent là-<strong>de</strong>dans, ils veulent sauver leur truc. Place<br />

<strong>de</strong>s Buisses, ils vont transformer ceci, cela… Tout ça, c'est pour sauver Euralille, le business<br />

là-bas. (restaurateur, 28 ans, 4 ans d'ancienneté)<br />

Ce discours est tranchant : il témoigne <strong>d'un</strong>e lecture du site opérée selon <strong>de</strong>s<br />

catégories propres, en d'autres termes <strong>d'un</strong>e prise <strong>de</strong> distance avec les enjeux réels du site.<br />

Plus avant, il souligne l'inadéquation <strong>de</strong>s cadres : pour ce restaurateur, la Gare Lille-<br />

Flandres est un lieu <strong>de</strong> transport, un lieu <strong>de</strong> passage pour <strong>de</strong>s motifs essentiellement liés au<br />

travail ; en faire un lieu <strong>de</strong> commerce, à l'image d'Euralille, est proprement impensable. Ce<br />

lieu-là appartient <strong>de</strong> droit au domaine du loisir, <strong>de</strong> la promena<strong>de</strong>, plus ou moins<br />

indépendante du commerce : « A Euralille, il y a beaucoup <strong>de</strong> gens qui entrent les mains<br />

vi<strong>de</strong>s, et qui ressortent les mains vi<strong>de</strong>s. C'est plus pour regar<strong>de</strong>r. », observe ce chauffeur <strong>de</strong><br />

taxi.<br />

Si la Gare Lille-Flandres est liée au travail, la Place <strong>de</strong> la Gare se définit par ses<br />

brasseries. Place et Gare entretiennent <strong>de</strong>s rapports étroits, au point <strong>de</strong> se confondre<br />

presque en un même ensemble, immuable.<br />

La gare, la gare, il y a pas tellement <strong>de</strong> changements la gare, ça a toujours été <strong>de</strong>s brasseries, il<br />

y a pas grand chose <strong>de</strong> changé. Ça a toujours été comme ça la gare. (restauratrice, 54 ans, 35<br />

ans d'ancienneté)<br />

Le lien est si typique, l'ensemble si accordé, que certains observateurs réduisent le<br />

<strong>quartier</strong> <strong>de</strong> gare à cette Place pittoresque 31 . Ces brasseries, hautes en couleur, font<br />

31 On peut en prendre pour exemple ce reportage <strong>de</strong> Charles <strong>de</strong> Lartigues, Des Flandres à l'Europe, diffusé<br />

sur Arte le 12/12/1999. Après avoir mis en scène sur un mo<strong>de</strong> systématique une opposition entre les <strong>de</strong>ux<br />

gares (petite et gran<strong>de</strong> échelle, petite et gran<strong>de</strong> vitesse, travailleurs populaires et déci<strong>de</strong>urs <strong>de</strong>s couches<br />

supérieures, gare animée et gare <strong>de</strong>s courants d'air, etc…), le documentaire se clôturait sur une scène "<strong>de</strong><br />

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