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Anatomie d'un "quartier de gares" : recompositions ... - Urbamet

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<strong>de</strong>s adaptations au jeu <strong>de</strong>s autres acteurs (craindrait-on <strong>de</strong> « faire voyou » si personne<br />

n’était là pour rappeler cette menace d’étiquetage ou <strong>de</strong> rôle à endosser ?).<br />

Cette connaissance <strong>de</strong>s lieux et <strong>de</strong>s règles ou co<strong>de</strong>s qui les gouvernent, cette<br />

fréquentation assidue suffisent-elles à faire d’Euralille un espace i<strong>de</strong>ntitaire ? Pour<br />

I. Joseph il ne saurait y avoir <strong>de</strong> « territoire » sans « proclamation ». Ce pourrait bien être<br />

la fonction <strong>de</strong>s « dédicaces » lancées « à Roubaix, à Tourcoing, à Lille-Sud (…) » et<br />

finalement « à tous les squatteurs d’Euralille » un soir <strong>de</strong> concerts rap et hip-hop sur la<br />

Place François Mitterrand, à l’occasion <strong>de</strong>s Fêtes <strong>de</strong> Lille et <strong>de</strong> la Fête <strong>de</strong> la musique. Deux<br />

soirs <strong>de</strong> suite un podium y accueillit <strong>de</strong>s groupes amateurs venus « <strong>de</strong>s <strong>quartier</strong>s », jeunes<br />

musiciens adulés par leurs voisins, leurs copains, leurs pairs (et même leurs pairesses,<br />

moins nombreuses il est vrai). D'une soirée à l'autre le public varie légèrement (le second<br />

soir, la part <strong>de</strong> femmes est plus importante, et le public se fournit en adultes comme en<br />

enfants ; le premier soir, l'éventail <strong>de</strong>s âges est plus resserré).<br />

Rassemblés en groupe homogène, ces jeunes se livrent peut-être là (avec la<br />

complicité <strong>de</strong> la municipalité il n’est pas inopportun <strong>de</strong> le rappeler) à une « cérémonie <strong>de</strong><br />

territorialisation (…), auto-proclamation qui pallie le manque <strong>de</strong> légitimité symbolique <strong>de</strong><br />

la relation » 44 . Manque <strong>de</strong> légitimité symbolique dans la mesure où Euralille, en<br />

concentrant les signes <strong>de</strong> l'opulence <strong>de</strong> la ville-centre, concentre les signes <strong>de</strong> l'exclusion<br />

<strong>de</strong> la périphérie, dont ces jeunes se réclament dans leurs chansons et dans les « dédicaces »<br />

qui les encadrent. Les stratégies d'intervention <strong>de</strong>s responsables du site indiquent par<br />

ailleurs combien cette relation <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> milieux populaires au centre commercial<br />

Euralille ne se résume pas à une transaction <strong>de</strong> signes. Au travers <strong>de</strong> ces dédicaces, ces<br />

jeunes dressent une liste <strong>de</strong> leurs affiliations i<strong>de</strong>ntitaires territorialisées, toujours négociées<br />

et construites : aux « <strong>quartier</strong>s » s’ajoutent certains pays du Maghreb, l’Afrique en son<br />

entier, sans oublier une pensée pour Loos (lieu <strong>de</strong> la Maison d'Arrêt) et « tous ceux qui<br />

sont en zonzon ».<br />

Intervient finalement une dédicace adressée « à tous les squatteurs d’Euralille ».<br />

Cette formule permet, inci<strong>de</strong>mment, d’homogénéiser le groupe, d’éviter les effets <strong>de</strong><br />

concurrence entre <strong>quartier</strong>s : consensuelle, cette appellation échappe à "la logique <strong>de</strong><br />

l’applaudimètre" qui régit la succession <strong>de</strong> citations d’aires géographiques resserrées, les<br />

<strong>quartier</strong>s, les cités. Mais surtout, elle ne semble pas avoir le même statut que les autres ;<br />

elle décrit une condition, vulnérable, d’occupation d’un espace auquel on ne s’i<strong>de</strong>ntifie<br />

pas. Loin <strong>de</strong> l'enracinement, le vocabulaire employé donne à penser que si ces jeunes se<br />

retrouvent à Euralille, c’est comme par infraction, sans y être les bienvenus.<br />

On retrouve cette référence à Euralille jusque dans les chansons : dans son premier<br />

album, le groupe Mental Kombat fait le récit <strong>de</strong> ses "Lille et une Nuit". Référence<br />

régionale (Direct du 59…Un vrai Ch'ti dégaine), quand l’échelle se rétrécit, citer Lille et<br />

une cité suffit à planter le décor général <strong>de</strong>s tiéquars du carrefour <strong>de</strong> l'Europe et <strong>de</strong> toutes<br />

sortes <strong>de</strong> dopes où les auteurs ont grandi. Dans trois <strong>de</strong>s quatre couplets, Euralille apparaît,<br />

vertement décrit : critiques sur l’opération urbaine, les auteurs en dénoncent clairement les<br />

restrictions d’accès (trop <strong>de</strong> CRS en faction sur les lieux <strong>de</strong> consommation comme à<br />

malhEURALILLE la moch'té déficit en millions… Putain on <strong>de</strong>vrait y marquer "casse-toi<br />

si toi jeune et fauché"). Haro sur la surveillance continue <strong>de</strong>s corps <strong>de</strong> police, jusque dans<br />

le métro, la gare n’est pas citée nominativement, fondue dans un paysage répressif abhorré<br />

globalement. Et si massivement les gars squattent Euralille, S'passent <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> fil,<br />

histoire d'savoir si soir-ce y'a raja à Lille, le lieu ne fait pas illusion : l’espoir que peut-être<br />

44 I. Joseph, Le Passant considérable…, op. cit.<br />

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