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Anatomie d'un "quartier de gares" : recompositions ... - Urbamet

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lorsqu’il arrive, en décalé, il peut s’installer entre elles. Je suppose qu’il et elles auront pris un<br />

bus. (Parvis du centre commercial, un samedi après-midi <strong>de</strong> juillet)<br />

La configuration <strong>de</strong>s lieux produit quelques points stratégiques où l’on peut se<br />

poster et d’où l’on peut exercer un relatif contrôle sur les accès —ceux qui comptent : ceux<br />

par où débouchent les piétons et les usagers <strong>de</strong>s transports en commun, mo<strong>de</strong>s d'accès qui<br />

sont ceux <strong>de</strong>s jeunes. Cet exercice relève du bain <strong>de</strong> foule, on serre <strong>de</strong>s mains à tout va,<br />

davantage que <strong>de</strong> la colonisation <strong>de</strong> l’espace par <strong>de</strong>s groupes toujours croissant ; les points<br />

d’accès restent <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> transit, on se salue au passage.<br />

La bouche <strong>de</strong> métro aussi est un lieu où on peut se poser, et contre la faça<strong>de</strong> : <strong>de</strong>s jeunes,<br />

encore, garçons, 16-20, vêtements <strong>de</strong> sport plus ou moins rutilants et chers. Trois ou quatre<br />

garçons <strong>de</strong> ce style, maillots <strong>de</strong> foot colorés, éclatants, restent un moment à la sortie du métro,<br />

saluent "les potes" qui passent sans forcément s’arrêter, "matent" les filles mais sans chercher à<br />

faire <strong>de</strong>s rencontres, pendant le petit quart d’heure où je reste en tout cas. (Parvis du centre<br />

commercial, un samedi après-midi <strong>de</strong> juillet)<br />

Faut-il y voir une nécessité <strong>de</strong> s’exposer, <strong>de</strong> se montrer, <strong>de</strong> faire savoir qu’on y est,<br />

qu’on en est ? Quoi qu’il en soit <strong>de</strong> cette fréquentation nécessaire, <strong>de</strong> ce passage obligé que<br />

serait le centre commercial, dans la mesure où il est question <strong>de</strong> faire valoir sa présence,<br />

l'enjeu est <strong>de</strong> se montrer davantage que <strong>de</strong> se regrouper. La présence <strong>de</strong> nombreux vigiles à<br />

l'entrée du centre commercial en marque le seuil et signe les restrictions d'accès opposées<br />

aux groupes –toujours susceptibles d'être <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s. Mais ces acteurs n'ont aucun pouvoir<br />

légal sur la tenue <strong>de</strong> rassemblements à l'extérieur ; si ces rassemblements ne se constituent<br />

pas, on peut supposer que c'est parce que pour ces jeunes eux-mêmes la logique du bain <strong>de</strong><br />

foule, et ses conséquences sur le plan <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> l'espace (dispersion, déambulation)<br />

prime sur celle <strong>de</strong> la (re)constitution <strong>de</strong> groupes enclavés.<br />

La dispersion <strong>d'un</strong> réseau d'amis dans la galerie commerciale favorise les<br />

retrouvailles, et multiplie les occasions <strong>de</strong> salut, les poignées <strong>de</strong> main rituelles, sans jamais<br />

conduire pour autant à <strong>de</strong>s atttroupements étoffés et durables. A l'inverse, voir <strong>de</strong>s amis se<br />

saluer silencieusement sans se rejoindre, signe <strong>de</strong> tête adressé <strong>d'un</strong> bout à l'autre <strong>d'un</strong><br />

couloir ou <strong>d'un</strong> niveau à un autre est une scène courante.<br />

Les prestations du dragueur<br />

Ostentation et exposition sont les <strong>de</strong>ux faces <strong>d'un</strong> régime <strong>de</strong> visibilité… qui est<br />

aussi un régime <strong>de</strong> vulnérabilité. Entre ces <strong>de</strong>ux faces il faut savoir composer, et ce savoir<br />

du dosage est particulièrement saillant dans les récits que les garçons font <strong>de</strong> leur activité<br />

<strong>de</strong> drague. A les en croire, celle-ci repose initalement sur un jeu <strong>de</strong> regards, regard <strong>d'un</strong>e<br />

fille stationnaire immédiatement interprété comme une invite : « si une fille te sourit ou te<br />

regar<strong>de</strong> tu y vas, on fait connaissance ». Pouvoir entrer dans le jeu <strong>de</strong> la drague suppose<br />

donc d'être suffisamment exposé pour être personnellement repérable… mais pas trop :<br />

César, dragueur invétéré, préfère comme terrain <strong>de</strong> chasse Euralille aux rues piétonnes, où<br />

il se dit en quelque sorte en situation <strong>de</strong> sur-exposition, trop repérable et trop attendu pour<br />

que le jeu puisse se dérouler avec les apparences <strong>de</strong> la fluidité qu'il requiert.<br />

Le jeu en effet invite à <strong>de</strong>s configurations flui<strong>de</strong>s, et donne à lire la dynamique <strong>de</strong><br />

l'attraction et <strong>de</strong> la dispersion. A l'échelle <strong>de</strong> la métropole, le lieu attire, avec les propriétés<br />

du centre réputé animé, vivant, foisonnant ; on va y faire <strong>de</strong>s rencontres, pour une relation<br />

qui s'établira ailleurs, dans les lieux <strong>de</strong> vie usuels : le lieu fait figure <strong>de</strong> vivier, il est plus<br />

une étape dans le parcours du dragueur que la scène privilégiée <strong>de</strong> ses ébats.<br />

Loin <strong>de</strong> se restreindre à une interaction duelle, la drague est in<strong>de</strong>xée au nombre <strong>de</strong>s<br />

enjeux collectifs, à double titre. D'abord, parce que les prestations du dragueur ne prennent<br />

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