Anatomie d'un "quartier de gares" : recompositions ... - Urbamet
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entre commerces licites et marchés illicites. Il importe dès lors <strong>de</strong> saisir comment se<br />
traduit concrètement cette porosité, la dynamique <strong>de</strong>s relations entre le territoire du<br />
<strong>quartier</strong> <strong>de</strong> gare et les caractéristiques <strong>de</strong> la ville ou <strong>de</strong> la métropole dans lequel il<br />
s’inscrit 10 .<br />
Notre recherche vise à mettre à l’épreuve cette problématique. En effet, le<br />
“nouveau <strong>quartier</strong>“ qui s’est édifié au cours <strong>de</strong>s années quatre vingt-dix dans le centre<br />
<strong>de</strong> Lille est à bien <strong>de</strong>s égards exemplaire. Cette recherche a été animée par un double<br />
souci. D’un côté, il s’agissait d’esquisser l’analyse <strong>de</strong> la territorialité spécifique<br />
inhérente à ce site et <strong>de</strong>s pratiques urbaines qui lui donnent sens, celles <strong>de</strong>s usagers <strong>de</strong>s<br />
lieux-mouvements autant que celles <strong>de</strong>s habitants. D’un autre côté, il s’agissait <strong>de</strong><br />
prendre en compte la tension entre les dynamiques métropolitaines et les effets <strong>de</strong><br />
recomposition induits par Euralille, le T.G.V. Tension redoublée et concrétisée par celle<br />
apparaissant entre le vieux-centre ville et le triangle <strong>de</strong>s gares, la gare terminus <strong>de</strong> Lille-<br />
Flandres et la gare <strong>de</strong> passage <strong>de</strong> Lille-Europe, les <strong>quartier</strong>s centraux et les <strong>quartier</strong>s<br />
périphériques.<br />
Les questionnements mentionnés plus haut ne sont pas pure spéculation. Ils font<br />
écho aux enjeux <strong>de</strong> désignation <strong>de</strong>s lieux que rencontrent plus ou moins déci<strong>de</strong>urs et<br />
acteurs <strong>de</strong> terrain. Comment nommer le site (l’expression se voulant la plus neutre<br />
possible) sans reprendre à bon compte les usages métaphoriques (transport du nom<br />
d’une chose à une autre) ou métonymiques (prendre la partie pour le tout) qui le<br />
définissent soit à partir <strong>de</strong> la gare soit du centre commercial ? Est-ce (encore)<br />
traditionnellement un lieu <strong>de</strong> déambulation populaire 11 , ou (déjà) un <strong>quartier</strong> d’affaires ?<br />
S’agit-il d’un espace spécifique à la gare, au centre-ville, ou bien encore une friche<br />
<strong>de</strong>venue hypercentre? Chemin faisant il s’agissait <strong>de</strong> confronter la production d’images<br />
urbaines construites par les systèmes d’acteurs en jeu avec cette articulation <strong>de</strong> milieux<br />
et <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s sociaux que l’observation sur le terrain donne à voir 12 .<br />
Effets <strong>de</strong> contexte<br />
La métropole <strong>de</strong> Lille-Roubaix-Tourcoing a connu <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s transformations<br />
sociologiques et urbaines. D’un côté, cette métropole - à l’image <strong>de</strong> toute la région du<br />
Nord-Pas-<strong>de</strong>-Calais - a été touchée <strong>de</strong> plein fouet par les effets sociaux <strong>de</strong> la<br />
désindustrialisation. Ce processus a entraîné une réduction drastique <strong>de</strong>s emplois<br />
disponibles, notamment <strong>de</strong>s emplois <strong>de</strong> faible qualification 13 . Au chômage <strong>de</strong> masse -<br />
qui n’est que la partie la plus visible <strong>de</strong> l’iceberg - s’ajoute un processus <strong>de</strong><br />
désaffiliation sociale. Au sens défini par R. Castel 14 , cette notion caractérise <strong>de</strong>s<br />
populations fortement marquées par la précarité et l’effritement <strong>de</strong>s protections sociales.<br />
10<br />
Cet axe <strong>de</strong> recherche s’est avéré, au fil <strong>de</strong> l’enquête, indispensable à prendre en compte, ne serait-ce<br />
que pour contourner les apories <strong>de</strong>s démarches <strong>de</strong> type monographique ou micro-locale et <strong>de</strong>s<br />
généralisations sur les métropoles qui occultent les dimensions sociales et territoriales en jeu.<br />
11<br />
Voir sur ce point H. Vincenot qui, décrivant le « spectacle si attrayant » du personnel évoluant entre les<br />
convois, souligne comment la gare est <strong>de</strong>venue, « dès le début, le but <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> dominicale ». D’où<br />
les ticket <strong>de</strong> quai qui, selon lui, furent créés avant tout pour contrôler les « spectateurs » et en tirer profit.<br />
(Cf La vie quotidienne dans les chemins <strong>de</strong> fer au XIXè siècle, Paris, Hachette, 1975)<br />
12<br />
Tel est l’objet qu’assignait G. Althabe à une ethnologie <strong>de</strong> la ville, par opposition à une ethnologie dans<br />
la ville. (L’ethnologie urbaine: ses tendances actuelles, Terrains n°3, octobre 1984.)<br />
13<br />
Cf D. Duprez, M. Kokoreff, Les mon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la drogue. Usages et trafics dans les <strong>quartier</strong>s, Paris, Odile<br />
Jacob Editions, 2000, pp. 41-56.<br />
14<br />
R. Castel, Les métamorphoses <strong>de</strong> la question sociale. Chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.<br />
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