Anatomie d'un "quartier de gares" : recompositions ... - Urbamet
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la queue <strong>d'un</strong> comptoir à frites, trouver une place à la terrasse <strong>d'un</strong> café, trouver refuge<br />
dans une cabine téléphonique pour prendre quelques notes à la volée, etc).<br />
Et presqu'insensiblement, les parcours ramènent à la gare, l'instituant en point <strong>de</strong><br />
passage obligé, à la croisée <strong>de</strong>s cheminements, carrefour <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s et poste d'observation<br />
privilégié du foisonnement urbain. Toutefois dans les lieux <strong>de</strong> transport le stationnement<br />
(qui peut être en butte aux règles <strong>de</strong> circulation inscrites dans les règlements les régissant)<br />
est <strong>de</strong> même soumis aux codages <strong>de</strong>s passantes. Le choix <strong>d'un</strong> emplacement relève <strong>d'un</strong>e<br />
connaissance <strong>de</strong>s lieux et peut être lu comme un marqueur social.<br />
La présence répétée et prolongée à la gare a eu pour conséquence <strong>de</strong> filtrer les<br />
publics rencontrés. La majorité <strong>de</strong>s contacts établis le sont en effet avec une catégorie<br />
d'usagers que par convenance on nomme usagers du lieu, soulignant ainsi la particularité<br />
<strong>de</strong> leur présence moins motivée par l'offre <strong>de</strong> transport que par une batterie <strong>de</strong> ressources<br />
plus diverses. Cette catégorie n'est pourtant pas entièrement satisfaisante, introduisant une<br />
dichotomie plutôt qu'une combinaison entre usage du lieu et usage <strong>de</strong>s transports, et<br />
distinguant <strong>de</strong> façon trop tranchée les populations par <strong>de</strong>s usages qui pourraient tout aussi<br />
bien se lire dans une conjonction <strong>de</strong> séquences.<br />
Reste à expliquer ce mécanisme <strong>de</strong> sélection partiellement contrôlé, partiellement<br />
involontaire, <strong>de</strong>s populations rencontrées. Cette focalisation accrue sur les "sé<strong>de</strong>ntaires" <strong>de</strong><br />
la gare est le résultat <strong>de</strong> facteurs combinés : certains ont trait au profil social <strong>de</strong><br />
l'enquêtrice, distant <strong>de</strong> l'univers masculin <strong>de</strong> la rue, à l'exercice <strong>de</strong> déniaisement social que<br />
ne peut manquer d'être un travail d'enquête, et qui rejoint parfois sans suffisamment <strong>de</strong><br />
discernement une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sociale toujours plus avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> savoirs sur "ce qui fait tâche"<br />
dans le paysage que d'interroger les usages ordinaires jugés non problématiques.<br />
Dans le même ordre d'idée, d'autres facteurs ont trait à la dynamique <strong>de</strong> l'enquête :<br />
rencontrer <strong>de</strong>s informateurs a quelque chose <strong>de</strong> rassurant dans un contexte ouvert et<br />
difficilement saisissable <strong>de</strong> situations anodines dont l'intérêt est toujours questionné. Ces<br />
rencontres assoient le sentiment <strong>d'un</strong>e certaine familiarité avec les lieux, et procurent à bon<br />
compte l'impression qu'enfin le travail "avance" et que les choses prennent un tour plus<br />
rapi<strong>de</strong> : <strong>d'un</strong>e part parce que le rythme s'accélère, <strong>de</strong> l'autre parce que le terrain accessible<br />
se trouve élargi (outre les informations directement recueillies au cours <strong>de</strong>s entretiens,<br />
certains informateurs ont pu jouer le rôle <strong>de</strong> "sésame" et fournir une entrée vers <strong>de</strong>s lieux<br />
réservés ou <strong>de</strong>s situations qui autrement seraient <strong>de</strong>meurées inaperçues ou illisibles,<br />
permettant ainsi d'autres rencontres à moindre frais <strong>de</strong> présentation). Rencontres qui sont<br />
autant <strong>de</strong> points d'ancrage dans ce contexte mouvant, manège insensiblement répétitif et<br />
pourtant changeant, où les repères restent sans que l'on puisse à coup sûr savoir à quoi<br />
s'attendre (ainsi programmer <strong>de</strong>s séances thématiques a relevé souvent <strong>de</strong> la gageure…) ;<br />
retournement <strong>de</strong> situation, le <strong>de</strong>uxième temps fut toutefois celui <strong>de</strong> la surprise <strong>de</strong>vant la<br />
"volatilité" <strong>de</strong> ces sé<strong>de</strong>ntaires (difficulté à retrouver <strong>de</strong>s personnes avec qui le contact<br />
semblait établi, ren<strong>de</strong>z-vous manqués, etc…).<br />
Comme un effet pervers <strong>de</strong> cet élargissement du champ d'investigation accessible,<br />
la rencontre d'usagers du lieu, par contre-coup, a pu contribuer au délitement d'autres<br />
aspects ou d'autres relations d'enquête. Outre une exigence même minimale d'assiduité,<br />
certains rapprochements ont entraîné l'éloignement d'autres catégories d'acteurs (chauffeurs<br />
<strong>de</strong> taxi, agents <strong>de</strong> sécurité, …) au contact <strong>de</strong> ces usagers du lieu et soucieux <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r la<br />
distance avec ces populations. Le cas le plus flagrant étant celui <strong>d'un</strong> "agent <strong>de</strong> sécurité et<br />
<strong>de</strong> prévention" qui a adopté un comportement distant après avoir découvert que je<br />
m'entretenais avec ceux qu'il met <strong>de</strong>hors –ou contient <strong>de</strong>dans– par obligation<br />
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