Anatomie d'un "quartier de gares" : recompositions ... - Urbamet
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d'autruis » 2 . Lieu d'anonymat, la gare met en relation <strong>de</strong>s individus qui ne se trouvent pas<br />
réunis en vertu <strong>d'un</strong> lien social déterminé.<br />
La matière première <strong>de</strong>s observations est constituée <strong>de</strong> situations, non <strong>de</strong><br />
populations définies en préalable selon <strong>de</strong>s catégories externes. La lecture est alors guidée<br />
par l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> « l'équipement » ordinaire du passant, qui lui permet d'ajuster son<br />
comportement dans un milieu hétéroclite que caractérise une condition commune<br />
d'exposition ou d'observabilité. Loin d'être spontanés ou aléatoires, ces ajustements<br />
supposent <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s passants <strong>de</strong>s « compétences » spécifiques. Ce sont ces<br />
compétences ordinaires <strong>de</strong>s passants qui ren<strong>de</strong>nt intelligibles les formes particulières du<br />
rassemblement, qui organisent ces « positions » et ces « mouvements ».<br />
Partant <strong>de</strong> ce cadre d'analyse, on verra combien les catégories <strong>de</strong> populations sont<br />
pour ce genre d'étu<strong>de</strong> <strong>d'un</strong>e pertinence limitée : qu'elles soient fondées sur <strong>de</strong>s critères<br />
préalables ou qu'elles soient construites à partir d'usages dominants du lieu, il semble<br />
qu'elles fassent obstacle à la compréhension <strong>de</strong> la spécificité <strong>de</strong> l'espace gare.<br />
Prendre appui sur les activités ou les caractéristiques socio-professionnelles <strong>de</strong>s<br />
passants observés, c'est risquer, entre <strong>de</strong>s caractérisations a minima et <strong>de</strong>s extrapolations<br />
délicates à fon<strong>de</strong>r, <strong>de</strong> se contenter <strong>d'un</strong> relevé qui, <strong>de</strong>meurant statique, laisse échapper ce<br />
qui semble un caractère fondamental du lieu : lieu du brassage, la gare est également<br />
l'espace du transitoire, du passager.<br />
Transition<br />
Lieu <strong>de</strong> halte, la gare est celui <strong>de</strong> la rupture <strong>de</strong> charge au cours du voyage, le temps<br />
où l'on n'est déjà plus tout à fait ici sans être déjà là-bas ; lieu d'attente, la gare accueille les<br />
travailleurs pendulaires ou scolaires le long <strong>d'un</strong> temps intermédiaire entre les univers<br />
familiers <strong>de</strong> la journée –ceux du travail, ceux du domicile– qui permet d'opérer le passage<br />
<strong>d'un</strong> registre <strong>de</strong> rôles à un autre ; porte <strong>de</strong> la ville, la gare en est le seuil, lieu <strong>de</strong> jonction<br />
entre espace urbain et espace du voyage. Ce qui se dit du lieu est valable également<br />
concernant ses pratiques : la spécificité du séjour ordinaire en gare semble bien tenir à ce<br />
qu'il s'opère sur le régime <strong>de</strong> la transition.<br />
Ainsi travaillant sur l'attente en gare, G.Gasparini soulignait le grand angle <strong>de</strong> son<br />
objet, saisi comme « collecteur » <strong>de</strong> situations humaines et sociales variées, permettant<br />
d'approcher le rapport au temps d'acteurs <strong>de</strong> milieux sociaux hétérogènes. Que l'attente soit<br />
vécue comme un "temps mort" (blocage <strong>de</strong> l'action) ou qu'elle soit "meublée" <strong>de</strong> contenus<br />
substitutifs, l'étu<strong>de</strong> pointait la nature interstitielle du temps <strong>de</strong> l'attente en gare, celui-ci se<br />
présentant comme une « ban<strong>de</strong> temporelle isolée », un temps à part 3 .<br />
Dans un autre contexte, celui <strong>de</strong> gares françaises et non plus italiennes, Sophie<br />
Dubuisson, Antoine Hennion et Vololona Rabeharisoa pointaient le caractère fluctuant <strong>de</strong><br />
l'activité ordinaire <strong>de</strong>s passants 4 . Trois cadrages étaient mis en évi<strong>de</strong>nce : <strong>de</strong>s séquences<br />
d'action à objectif assigné (premier cadrage), se distinguent <strong>de</strong>s plages <strong>de</strong> flottement et <strong>de</strong><br />
2<br />
« Quelle que soit la possibilité pour le sociologue <strong>de</strong> décrire partie <strong>de</strong>s évènements qui se produisent en<br />
situation comme la traduction d'affiliations individuelles à <strong>de</strong>s groupes différents, le domaine régi par les<br />
"normes <strong>de</strong> conjonction" ne saurait se déduire <strong>de</strong>s connaissances acquises en matière <strong>de</strong> normes<br />
d'appartenance ou d'affiliation. » . (I. Joseph, ibid, p119)<br />
3<br />
Giovanni Gasparini, « Temps ferroviaire et temps <strong>de</strong>s voyageurs. L'attente en gare » in I. Joseph (dir), Villes<br />
en gares, op.cit<br />
4<br />
Sophie Dubuisson, Antoine Hennion, Vololona Rabeharisoa, « Passages et arrêts en gare : flotter, bor<strong>de</strong>r<br />
son temps, se réengager » in I.Joseph (dir), Villes en gares, op.cit.<br />
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