Anatomie d'un "quartier de gares" : recompositions ... - Urbamet
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Koolhaas), et si "l'imbrication <strong>de</strong>s programmes", qui est la traduction au plan <strong>de</strong>s<br />
dimensions constitutives <strong>de</strong> la ville (ou <strong>de</strong> ses fonctions essentielles) <strong>de</strong> l'interconnexion<br />
<strong>de</strong>s infrastructures, ne conduisait pas à la concentration. Au final, l'interconnexion ne<br />
concerne plus l'échelle métropolitaine, celle <strong>de</strong> l'agglomération, mais celle <strong>de</strong> la "ville<br />
continue européenne", la "ville virtuelle" qui connecte entre eux les pôles centraux <strong>de</strong>s<br />
gran<strong>de</strong>s capitales —ou leurs extensions hors-sol spécialisées dans un domaine, à l'image<br />
d'Eurodisney pour celui <strong>de</strong>s loisirs. Au final, l'interconnexion repose sur un artefact <strong>de</strong><br />
ville, et ne propose plus à l'échelle métropolitaine qu'une politique classique <strong>de</strong> la<br />
centralité, concentration <strong>de</strong>s fonctions, et vitrine <strong>de</strong> la ville, soigneusement distinguée <strong>de</strong>s<br />
<strong>quartier</strong>s populaires.<br />
2.2.1 L'effet TGV : la dimension internationale<br />
Au point <strong>de</strong> départ du projet, le TGV ; plus qu'un train qui entre en ville, c'est la<br />
mo<strong>de</strong>rnité qui est annoncée : avec le tunnel sous la Manche et l’arrivée du TGV, « notre<br />
vieille région industrielle gagnait tout à coup <strong>de</strong>ux symboles essentiels <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité » dit<br />
Pierre Mauroy 15 . L'effet TGV est d'abord un effet d'annonce, donnant lieu à une inflation<br />
<strong>de</strong> discours et à une consommation du TGV en image. Image forte, tellement marquante<br />
qu’elle autorise les anachronismes (avec dix ans d’avance) : « la technologie d’un système<br />
<strong>de</strong> métro automatisé symbolise, à l’intérieur <strong>de</strong> l’agglomération, celle du TGV » écrit F.<br />
Cuñat 16 . Et puisqu’il s’agit d’image, le projet initialement prévu par la SNCF d’enfermer<br />
les voies du TGV dans un caisson aveugle est abandonné au profit d’une architecture<br />
moins cloisonnée, sans qu’on sache s’il s’agit d’offrir aux voyageurs une « fenêtre sur la<br />
ville » ou <strong>de</strong> pouvoir « voir les trains <strong>de</strong>puis la ville » 17 . Consommation du TGV en images<br />
pour qui se trouve dans la ville, consommation <strong>de</strong> la ville en image pour qui se trouve dans<br />
le train (en un clip <strong>de</strong> six secon<strong>de</strong>s, affirment les architectes), cette mo<strong>de</strong>rnité est d'abord<br />
affaire <strong>de</strong> signe et <strong>de</strong> rapidité.<br />
Le rôle du train à gran<strong>de</strong> vitesse s'étend au-<strong>de</strong>là : on attend <strong>de</strong> lui qu'il « fécon<strong>de</strong> la<br />
ville » 18 , et sur « ce fleuve puissant » on greffe « une turbine tertiaire », un centre d'affaires<br />
international qui, par effet d'entraînement, créera d'autres activités 19 . Etonnant recours à<br />
une imagerie industrielle un peu désuète s'agissant <strong>d'un</strong> projet qui se fon<strong>de</strong> précisément sur<br />
un changement d'ère : l'ambition est <strong>de</strong> transformer la nature <strong>de</strong>s activités économiques qui<br />
font la prospérité <strong>de</strong> la ville et <strong>de</strong> la région en développant <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> service capables<br />
<strong>de</strong> supplanter les anciennes industries périclitantes. Certes cette présentation n'a <strong>de</strong> valeur<br />
que schématique : <strong>de</strong>puis longtemps déjà les industries lour<strong>de</strong>s sont en crise et les activités<br />
économiques <strong>de</strong> la région lilloise ne se réduisent pas à ce secteur d'activité ; il n'en reste<br />
pas moins que la rhétorique du passé industriel est largement convoquée, renforçant par<br />
contraste l'appel à un futur dynamisé par le tertiaire. Le TGV est à la fois le signe et le<br />
15 Entretien avec P. Mauroy, in L'architecture d'aujourd'hui, n°280, avril 1992, p.156<br />
16 Atlas historique <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> France, Hachette, 1996, p. 114 Le parallélisme établi par l'auteur entre le<br />
métro et le TGV peut se comprendre comme une tentative <strong>de</strong> raccor<strong>de</strong>r à une même représentation territoriale<br />
les <strong>de</strong>ux échelles dont il est question. Jumelés en vertu <strong>de</strong> leur automatisme partagé, métro et TGV permettent<br />
<strong>de</strong> penser l'agglomération sur le même modèle que celui qui prévaut à l'échelle internationale. Cette<br />
représentation du territoire sous la forme <strong>d'un</strong> réseau articule plus aisément, chez le géographe, échelle<br />
internationale et échelle locale, conférant ainsi à la rhétorique du projet Euralille une cohérence parfois plus<br />
malaisée dans les discours politiques. (cf infra)<br />
17 Entretien avec P.Mauroy, in L'architecture d'aujourd'hui, n°280, avril 1992, p.156<br />
18 Entretien avec J-M Duthilleul (Architecte en chef <strong>de</strong> la SNCF), Euralille, Poser, Exposer, p.87<br />
19 Propos <strong>de</strong> P. Mauroy rapportés ici par Lille actualités, dans son bulletin <strong>de</strong> mai 1990<br />
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