Le ravin des tenebre..

Le ravin des ténèbres 469/809
— Oui, Eunice. Je veux dire non, Eunice… Ah !
zut ! »
Elle lui tapota la main. « C’est le plus joli
compliment qu’on m’ait encore fait, Tom. Vous
n’auriez jamais dit “Oh ! zut !” à Mlle Smith… mais
vous savez qu’Eunice… Jeanne Eunice… est
humaine. » Elle jeta un regard circulaire. « Savezvous
combien cela fait de bien d’être touchée ?
Avez-vous déjà vu des chatons se pelotonner ?
Pendant plus d’un quart de siècle, personne ne m’a
embrassée. Sauf pour une poignée de main
occasionnelle, je n’ai pas le souvenir qu’on m’ait
même effleurée. Jusqu’à ce que les infirmières et
les médecins commencent à me manipuler. Mes
amis, mes chers amis, vous m’avez rattachée à
l’humanité, avec vos lèvres. Je suis infiniment
reconnaissante à Eunice – Eunice Branca – de
vous avoir embrassés avant moi et d’avoir gagné
votre amitié – votre amour. Je crois bien que c’est
ça. Car cela signifie que vous m’avez fait une place
parmi vous, que vous m’avez traitée comme une
personne normale. Dites-moi, je dois savoir,
même si vous devez m’appeler de nouveau Jeanne
Eunice. Tom, Eunice embrassait-elle Anton aussi ?
(Patron, je ne vous dirai rien tant que nous ne
serons pas seules !) (Je ne vous ai rien demandé,
chérie.)