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Ver<strong>du</strong>n, visions d’histoire<br />

Un principe de réalité que met en avant un des films les plus exemp<strong>la</strong>ires – et des plus<br />

ambigus – quant à l’apport documentaire à une fiction. Ver<strong>du</strong>n, visions d’histoire (1927)<br />

est un film bâtard, syncrétisme d’une diversité imagière qui s’ingénie à confondre les<br />

sources distinctes dont elle est composée. Et qui constitue, par delà les problématiques<br />

que cette confusion engendre, sa richesse remarquable. Ici, <strong>la</strong> prétention documentaire<br />

d’une image fictive est totale, s’infiltrant à tous les niveaux de sa représentation.<br />

Poirier assume parfaitement cette ambition d’ériger, avec un matériel et des procédés<br />

scénographiques biaisés, un ren<strong>du</strong> authentique de <strong>la</strong> bataille de Ver<strong>du</strong>n. L’image est<br />

donc assujettie à l’impératif univoque de réalisme, au principe de réalité dans son sens<br />

le plus étriqué et concis. Ce qui est cadré cadre également avec <strong>la</strong> réalité <strong>du</strong> champ<br />

guerrier : rien qui ne soit dans cette dernière ne saurait être omis par le film. D’où son<br />

architecture soignée, qui mise avec une rigueur manifeste sur sa prétention de donner à<br />

voir <strong>la</strong> guerre en elle-même. Le chapitrage <strong>du</strong> film, divisé en trois « visions » successives,<br />

s’agence donc autour de <strong>la</strong> condition sine qua non de faire voir, sinon l’Histoire, tout au<br />

moins le conflit dans sa réalité historique.<br />

Ce qui implique un travail autour de cette image démiurgique, puisque résurrectrice.<br />

Richement documenté, appuyé par des illustrations sco<strong>la</strong>ires, ces animations qui<br />

rendent les mouvements de troupes, les tactiques générales, par de grossières flèches<br />

monochromes, comme dans les incunables manuels d’histoire, le film se totalise en<br />

même temps qu’il cherche à totaliser son image. Les images d’archives, ces stockshots<br />

importés pour <strong>la</strong> plupart des prises de vue des Annales de <strong>la</strong> Guerre <strong>du</strong> service<br />

Cinématographiques des Armées, sont habilement montées, soit comme simples<br />

illustrations elliptiques, soit comme parties entières de <strong>la</strong> narration. Il est par ailleurs<br />

fascinant de voir comment s’imbrique le montage de ces stock-shots, de voir comment<br />

Poirier prend un soin particulier à les confondre, à les diluer dans <strong>la</strong> facticité de ses<br />

reconstitutions. Pêle-mêle, le vrai et le faux, comme pour mieux annuler, à <strong>la</strong> grâce de<br />

raccords éminemment subtils, leurs valeurs respectives. Peu importent ces dernières.<br />

Sacrifiée sur l’autel d’une image totale, <strong>la</strong> vérité n’est finalement qu’une option parmi<br />

d’autres et Poirier, en bon documentariste, sait qu’elle n’est que le consentement d’un<br />

public donné. Et son intention est manifeste : pour atteindre l’authenticité visée, il<br />

ira tourner sur les lieux-mêmes, épaulé par <strong>la</strong> logistique et l’équipement de l’Armée<br />

française, avec les véritables acteurs des combats de tranchées, eux-même acteurs une<br />

nouvelle fois, pour de faux, devant l’objectif sanctifiant <strong>du</strong> réalisateur.<br />

Un détail cocasse trahit les limites de <strong>la</strong> prétention totalisante de Poirier en<br />

esquissant les contours d’un tabou logique de <strong>la</strong> fiction documentaire. Dans Ver<strong>du</strong>n…,<br />

il est drôle de constater <strong>la</strong> retenue que donne le réalisateur à ses reconstitutions, ses<br />

limites, ses bornes à ne pas dépasser. Le réel a des exigences que les singeries fictives<br />

ne sont pas à même de rendre et à vouloir miser aveuglement sur cette entreprise de<br />

16 <strong>Spectres</strong> <strong>du</strong> Cinéma #3 Été 2009

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