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La première scène ouvre <strong>la</strong> quête <strong>du</strong> souvenir. La deuxième explique le fonctionnement de<br />

l’amnésie dont souffre Ari. La dernière clôt le processus, en ramenant à <strong>la</strong> mémoire d’Ari son rôle<br />

<strong>du</strong>rant les journées <strong>du</strong> massacre.<br />

Car c’est bien ce que doivent signifier, semble-t-il, les images vidéo de <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> film, <strong>la</strong> fin<br />

<strong>du</strong> refoulement. Elles sont <strong>la</strong> réponse à <strong>la</strong> question qu’Ari se pose au début : qu’a-t-il oublié de <strong>la</strong><br />

guerre, qu’a-t-il oublié de son rôle <strong>du</strong>rant les journées <strong>du</strong> massacre, et pourquoi cet oubli ? C’est<br />

son ami Boaz qui déclenche les interrogations, en lui racontant son traumatisme de <strong>la</strong> guerre<br />

– toutes les nuits depuis quelques années reviennent le poursuivre en rêve les vingt-six chiens<br />

libanais qu’il avait dû tuer. Cette histoire, racontée <strong>du</strong>rant une nuit pluvieuse, provoque chez Ari<br />

une première réminiscence de <strong>la</strong> période <strong>du</strong> massacre. Réminiscence qui devient le leitmotiv <strong>du</strong><br />

film, sous <strong>la</strong> forme d’une scène hallucinée, en noir et or, de soldats israéliens émergeant nus de<br />

<strong>la</strong> mer sur une p<strong>la</strong>ge de Beyrouth, comme des zombis.<br />

Le lendemain matin, Ari, perturbé par son amnésie, rend visite à un ami analyste. C’est le<br />

début de <strong>la</strong> recherche. Il retrouve les soldats qui étaient avec lui au Liban, et leur demande ce<br />

qu’ils ont vécu ensemble, pour faire surgir les souvenirs.<br />

Il rencontre tour à tour ces soldats, ainsi qu’une analyste, un journaliste israélien ayant<br />

couvert <strong>la</strong> guerre, et enfin un gradé de l’armée israélienne en poste à Sabra et Chati<strong>la</strong>. Différents<br />

niveaux de réalité s’entremêlent. Alternent les scènes qui ont valu au film d’être qualifié de<br />

« documentaire » car elles sont <strong>la</strong> recréation, en animation, des entretiens que le réalisateur<br />

a menés ; les souvenirs racontés par les gens rencontrés puis dessinés par Folman ; enfin les<br />

propres souvenirs de Folman. Le film figure ainsi en animation stylisée de <strong>la</strong> même manière<br />

les différentes strates de l’image mentale : les scènes rêvées, les scènes retrouvées par le travail<br />

psychanalytique, et les scènes vécues, par Ari ou par d’autres. Au présent aussi bien qu’au<br />

passé.<br />

L’animation permet de recréer facilement le souvenir en lui conférant sa part d’irréalité, mais<br />

on peut se demander pourquoi les scènes que Folman a réellement vécues dans sa recherche<br />

sont figurées avec le même procédé, et parfois le même degré d’irréalité. Les vidéos de <strong>la</strong> fin nous<br />

<strong>la</strong>isseraient penser que le film accorderait, dans sa construction, un statut différent aux images,<br />

selon qu’elles figurent des souvenirs ou <strong>la</strong> réalité. Images vidéo pour <strong>la</strong> réalité, animation pour<br />

les souvenirs. Pourtant, <strong>la</strong> déréalisation de l’animation fonctionne pour tous les types d’images<br />

subjectives, rêve, fantasme, souvenir, récit et récit rapporté, et pour tous les personnages, en<br />

dehors des victimes <strong>du</strong> massacre. Si, lors d’une première vision, on peut croire à une certaine<br />

hiérarchie pensée entre les différents degrés de réalité des images animées, en observant les<br />

séquences de plus près, on se rend compte <strong>du</strong> manque de cohérence <strong>du</strong> procédé.<br />

Ainsi, le retour <strong>du</strong> réel se pro<strong>du</strong>it de manière approximative lors de <strong>la</strong> scène des chevaux<br />

massacrés à l’hippodrome. Pour expliquer à Ari son absence de souvenirs de <strong>la</strong> guerre, <strong>la</strong><br />

psychanalyste a recours au concept <strong>du</strong> trauma dissociatif, qu’elle illustre par le cas d’un jeune<br />

photographe amateur. Celui-ci, pour se protéger contre <strong>la</strong> réalité de <strong>la</strong> guerre, percevait comme<br />

s’il avait un appareil photo, vivant de l’extérieur toutes les situations auxquelles il était confronté.<br />

Dans le film, les images que l’on voit alors de <strong>la</strong> guerre sont des photos, que l’on imagine prises<br />

par ce jeune homme. Puis on passe, d’une manière étrange, par un défilement de projecteur, de<br />

ces photos, à l’animation. Ce changement de type d’images tra<strong>du</strong>it <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> trauma dissociatif,<br />

qui se pro<strong>du</strong>it lorsqu’à l’hippodrome de Beyrouth, le jeune homme voit un charnier de pur-sang<br />

<strong>Spectres</strong> <strong>du</strong> Cinéma #3 Été 2009<br />

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