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un sujet conventionnel pour s’accorder les<br />

faveurs des officiels soviétiques et au final,<br />

ironiquement, ce ne fut même pas un bon<br />

film de propagande pour cette gérontocratie<br />

soviétique qui ne voyait pas d’un très bon<br />

œil cette histoire d’enfant-soldat parmi<br />

ses troupes : « La guerre est une affaire<br />

d’hommes ».<br />

Je me rappelle le contexte, l’aprèsguerre<br />

et le néoréalisme, toutes ces choses<br />

que je ne connais que par les archives et<br />

les livres d’Histoire, et je me demande ce<br />

qui devait passer par <strong>la</strong> tête de ces jeunes<br />

réalisateurs qui ont vu le film et qui ont<br />

compris qu’ils devaient, bon gré mal gré, suivre le chemin indiqué par Rossellini et continuer à « faire écho<br />

à l’horreur extrême » pour reprendre les termes d’Adorno1 L’Enfance d’Ivan<br />

. Pour eux, <strong>la</strong> Nouvelle Vague forcément, mais<br />

pas seulement, il a fallu oublier le temps de l’innocence, jeunes ou pas jeunes. C’était comme obsolète.<br />

Ou plutôt non, ils l’ont filmée cette innocence, cette fraîcheur et cette soif de vie de <strong>la</strong> jeunesse mais en <strong>la</strong><br />

dotant d’un hors-champ terrible qui a imprégné leurs films d’un sentiment effrayant de désenchantement.<br />

Les scènes de danse, si émouvantes dans les films de Godard ou dans Adieu Philippine, sont légères, pleines<br />

de vie. Elles seraient même plutôt joyeuses si les grands yeux de ces jeunes femmes n’en disaient pas si long<br />

sur <strong>la</strong> nature trompeuse de leur insouciante légèreté, car en France une guerre (l’Algérie) a chassé l’autre.<br />

Et puis, un peu plus tôt, il y a eu Truffaut, bien sûr, fervent admirateur de Rossellini. Truffaut et son<br />

avatar, le petit brun qui courait vers <strong>la</strong> mer, insuff<strong>la</strong>nt un souffle de vie, injectant une ligne d’horizon dans<br />

le tableau noir des temps modernes qu’avait peint le maître<br />

italien. Les temps étaient <strong>du</strong>rs mais il fal<strong>la</strong>it, à tout prix,<br />

continuer à chercher autre chose, n’importe quoi, faire<br />

courir son imagination. Entre les fins tragiques de l’Ivan<br />

russe et d’Edmund l’Italien, le <strong>cinéma</strong> trouvait dans l’enfant<br />

Doinel, <strong>la</strong> matière d’un éloge de <strong>la</strong> fuite, d’une tentative de<br />

s’évader <strong>du</strong> monde tel qu’il est sans pour autant penser à le<br />

quitter. Depuis, c’est Forrest qui court, qui court, et tant<br />

d’autres dans son sil<strong>la</strong>ge, vers le sentimentalisme que<br />

Rossellini et Zavattini, son scénariste, fuyaient comme <strong>la</strong><br />

peste.<br />

Les 400 coups<br />

Au fait, vous vous souvenez de L’Argent de poche ?<br />

L’autre « grand » film de Truffaut sur les enfants. Dieu<br />

que c’est triste. La comparaison avec Les 400 coups est<br />

tragique pour le réalisateur, vraiment. Doinel vole <strong>la</strong> photo<br />

d’une actrice, c’est magnifique. Les gamins de L’Argent de<br />

poche, font pareil, et c’est anecdotique, au mieux un cliché<br />

nostalgique, bien emballé dans un consternant éloge de<br />

l’école et de <strong>la</strong> morale républicaine. À propos <strong>du</strong> Voleur de<br />

1 « La sphère esthétique est aussi nécessairement politique. L’art dont le monde ne peut se passer, doit désormais faire écho à l’horreur extrême. »<br />

Theodor Adorno, Minima Moralia.<br />

<strong>Spectres</strong> <strong>du</strong> Cinéma #3 Été 2009<br />

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