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ne nous appesentirons donc pas là-dessus. Le fond <strong>du</strong> différend politique<br />

entre les deux hommes et <strong>la</strong> manière dont celui-ci se joue dans ses épisodes<br />

médiatiques successifs ne font qu’un puisque, d’une part, il en va avant tout<br />

d’une question de « visibilité » (qui peut l’être, qui ne le peut pas) et que,<br />

d’autre part, Lee comme Eastwood se tiennent logiquement dans ce débat très<br />

rigoureusement à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce et <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> point de vue qu’ils occupent en tant<br />

que cinéastes dans leurs films. Mais quand, simultanément, sort en France Gran<br />

Torino et est refusé Miracle at St Anna, <strong>la</strong> querelle trouve sa justification non<br />

plus à l’échelon indivi<strong>du</strong>el mais à l’échelle globale de l’économie <strong>du</strong> <strong>cinéma</strong>. La<br />

question mérite d’être posée : pourquoi, à l’heure où les États-Unis élisent Barack<br />

Obama président, le public français est invité à voir le film d’Eastwood, véritable<br />

chant funèbre à <strong>la</strong> gloire de l’homme b<strong>la</strong>nc comme étalon de pensée dominant<br />

tandis que lui est refusé de pouvoir regarder dans les mêmes conditions le film<br />

progressiste de Spike Lee ?<br />

Il n’est pas impossible que le dernier film de Spike Lee sorte un jour ou<br />

l’autre en DVD. En attendant, internet est le lieu qui accueille le film, c’est là où,<br />

dans <strong>la</strong> crainte 4 , quelques rédacteurs des <strong>Spectres</strong> <strong>du</strong> <strong>cinéma</strong> ont pu le regarder.<br />

Miracle at St Anna commence par une invitation, un long travelling avant<br />

dans le couloir étroit d’un immeuble vers le pas d’une porte, sur le pail<strong>la</strong>sson<br />

<strong>du</strong>quel est inscrit un mot : « Welcome ». Harlem, 1983. Ce couloir vide n’est pas<br />

sans évoquer le fameux p<strong>la</strong>n décadré de Martin Scorsese marquant <strong>la</strong> solitude <strong>du</strong><br />

vétéran <strong>du</strong> Vietnam Travis Bickle dans son film Taxi Driver. On sait que le <strong>cinéma</strong><br />

de Martin Scorsese reste, pour Spike Lee, une référence majeure. Celui-ci ne<br />

s’en est jamais caché, rappe<strong>la</strong>nt régulièrement toute l’admiration qu’il porte au<br />

travail <strong>du</strong> réalisateur des Goodfel<strong>la</strong>s. Le passionnant 25th Hour contenait déjà, on<br />

s’en souvient, au moins une référence explicite au Taxi Driver de Scorsese. Et, en<br />

effet, derrière cette porte, se trouve un homme seul, Hector Negron, regardant<br />

un film devant son poste de télévision auquel il parle. Le film c’est Le Jour le plus<br />

long (Ken Annakin, 1962), l’extrait est avec John Wayne. Pour Negron, l’image<br />

qu’il voit dans son poste de télévision est mensongère car elle fait l’économie<br />

d’y inclure des soldats noirs américains qui, comme lui, ont combattu <strong>du</strong> côté<br />

des alliés. Son attitude rejoint ici un peu le « most of my heroes don’t appear<br />

on no stamps » de Chuck D 5 , on constatera avec ironie que le scénario fait <strong>du</strong><br />

personnage un postier dans <strong>la</strong> vie. Sa réaction coïncide probablement avec celle<br />

de Spike Lee devant les films de guerre récents de Clint Eastwood (le diptyque<br />

F<strong>la</strong>gs of Our Fathers, Letters from Iwo Jima), in<strong>du</strong>bitablement le réalisateur se<br />

4 Notamment en raison <strong>du</strong> climat de paranoïa général qui règne sur <strong>la</strong> toile actuellement, à cause d’un flicage intensifié<br />

visant le téléchargement.<br />

5 « Elvis was a hero to most / But he never meant shit to me you see / Straight up racist that sucker was / Simple and p<strong>la</strong>in / Mother<br />

fuck him and John Wayne / Cause I’m b<strong>la</strong>ck and I’m proud / I’m ready and hyped plus I’m hampe / Most of my heroes don’t appear<br />

on no stamps / Sample a look back you look and find / Nothing but rednecks for 400 years if you check » Public Enemy, « Fight The<br />

Power », Fear Of A B<strong>la</strong>ck P<strong>la</strong>net, 1990.<br />

<strong>Spectres</strong> <strong>du</strong> Cinéma #3 Été 2009<br />

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