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pour rien, et ne font rien d’autre que se protéger des horreurs auxquelles ils ne s’attendaient pas,<br />

il ne <strong>la</strong>isse nullement <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce pour penser le fait que les pha<strong>la</strong>ngistes sont les alliés chrétiens<br />

des Israéliens. Et dans ce partage, il faudrait plutôt voir les pha<strong>la</strong>ngistes comme <strong>la</strong> part maudite<br />

d’Israël.<br />

On ne saurait négliger l’importance de Bachir ; le titre <strong>du</strong> film l’interdit. Il occupe une p<strong>la</strong>ce<br />

simi<strong>la</strong>ire à celle qu’occupe Kurtz, c’est une idole, à <strong>la</strong> fois fascinante, et repoussante. La scène<br />

de torture des Palestiniens est terrible ; elle tient de l’hallucination infernale. N’y manquent ni<br />

les croix, ni le chat noir et les rats, ni l’orage, les éc<strong>la</strong>irs, les membres épars et le gros p<strong>la</strong>n sur<br />

une main déchiquetée. Carmi rapproche l’idolâtrie des pha<strong>la</strong>ngistes pour Bachir Gemayel de<br />

<strong>la</strong> sienne pour David Bowie, des deux côtés on retrouve les mêmes signes, posters, montres,<br />

pendentifs.<br />

Que veut nous dire Folman à travers cette analogie ? On peut se poser <strong>la</strong> question, même<br />

si son propos semble assez simpliste et idéologique. Si Carmi rapproche les deux re<strong>la</strong>tions, il<br />

est loin de confondre Bachir et Bowie, ou de confondre sa re<strong>la</strong>tion à Bowie avec celle que les<br />

pha<strong>la</strong>ngistes entretiennent avec Bachir ; au contraire de <strong>la</strong> sienne, celle des pha<strong>la</strong>ngistes est<br />

outrancière, érotique dit-il, et ils vengeront <strong>la</strong> mort de Bachir comme ils vengeraient leur père<br />

ou leur frère, comme ils vengeraient un crime de sang. À travers cette analogie, ce qui ressort<br />

c’est l’idée que les pha<strong>la</strong>ngistes éprouvent des passions archaïques, qui les situent en dehors<br />

de <strong>la</strong> modernité. On imagine aisément, même si ce n’est que suggéré, que <strong>la</strong> culture pop ne<br />

constitue pas une sublimation des passions politiques, ni des liens érotiques et fanatiques qui<br />

peuvent lier des hommes à des chefs, ou guides charismatiques. Bien sûr, il est préférable de<br />

danser sur Eno<strong>la</strong> Gay, d’OMD, que de bombarder des villes, mais on peut aussi bombarder des<br />

villes en chantant We bombed Beyrouth ou Eno<strong>la</strong> Gay, chanson qui accompagne <strong>la</strong> première<br />

expérience de <strong>la</strong> guerre racontée par Carmi. Eno<strong>la</strong> Gay, c’est le nom de l’avion qui <strong>la</strong>rgua <strong>la</strong><br />

bombe sur Hiroshima, nommé ainsi d’après le nom de <strong>la</strong> mère <strong>du</strong> pilote.<br />

Si tout le film de Folman tend à séparer Israël des pha<strong>la</strong>ngistes, en les assimi<strong>la</strong>nt aux nazis,<br />

peut-être peut-on voir quelque chose comme un retour <strong>du</strong> refoulé, dans cette analogie, de<br />

deux manières, au moins. Sans doute Bowie n’est pas Bachir, aimer Bowie n’est pas se soumettre<br />

à Bachir ; mais le nom même de Bowie nous recon<strong>du</strong>it vers le nazisme. On se souvient de <strong>la</strong><br />

fameuse photo où l’on voit <strong>la</strong> star faire le salut nazi, ou de cette interview où il déc<strong>la</strong>rait que <strong>la</strong><br />

Grande-Bretagne aurait besoin d’une dictature, ou encore de ses propos sur « Hitler <strong>la</strong> première<br />

star rock ». Ce rapprochement entre le monde <strong>du</strong> rock, son esthétique, ses mises en scène et les<br />

re<strong>la</strong>tions des foules à leurs idoles politiques n’est pas rare. On pense à The Wall, de Pink Floyd.<br />

Récemment encore, Mick Jagger, à qui on reprochait certaines attitudes sur scène où il semb<strong>la</strong>it<br />

imiter Hitler, admettait n’avoir aucun problème avec cette comparaison : « All I want is for the<br />

crowd to have fun. Hitler was a brilliant crowd manipu<strong>la</strong>tor, but he wasn’t asking the crowd to enjoy<br />

themselves very much. (…) But as a singer, you lead the audience, you cajole and praise and give<br />

them the songs they want. » 10<br />

Faut-il rappeler que c’est à un couteau que David Bowie, de son vrai nom David Robert<br />

Jones, doit son nom ? La star, on le sait, a pris ce nom en hommage à Jim Bowie, héros américain<br />

mort à A<strong>la</strong>mo, qui a lui-même donné son nom à ce fameux couteau, que l’on retrouve dans des<br />

jeux vidéo et dans des films, et bien sûr dans Valse avec Bachir, entre les mains des pha<strong>la</strong>ngistes.<br />

Ainsi donc, sous <strong>la</strong> star Bowie, on retrouve non seulement <strong>la</strong> guerre, mais <strong>la</strong> guerre dans sa<br />

forme primitive, <strong>la</strong> guerre à arme b<strong>la</strong>nche.<br />

10 Mick Jagger, citation. Documents en ligne, consultés le 18-05-2009. . .<br />

36 <strong>Spectres</strong> <strong>du</strong> Cinéma #3 Été 2009

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