02.07.2013 Views

Télécharger la version PDF - Spectres du cinéma

Télécharger la version PDF - Spectres du cinéma

Télécharger la version PDF - Spectres du cinéma

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

le spectateur à qui incombe ce travail de distinction. Nous en parlions déjà dans le premier<br />

numéro, c’est ce même questionnement qui nous travaille aujourd’hui au sein de ces deux films ;<br />

ici, dans ce qui fait <strong>la</strong> représentation collective de deux événements historiques tragiques : les<br />

photographies de guerre et les images en mouvement <strong>du</strong> film de fiction ne forment plus qu’un.<br />

On serait tenté de penser que c’est ce que fait (aussi) Ari Folman, l’air de rien, redessinant<br />

ses images après les avoir filmées, capturées. Mais c’est oublier que les deux films ne sondent<br />

pas tout à fait le même caveau. S’il est bien question d’égarement et de recherche identitaire<br />

dans les deux, le premier cernait les égarements d’un pauvre soldat sur le front d’une boucherie<br />

sans nom, là où le second cherche à rendre sa mémoire à un ancien soldat dont le traumatisme<br />

a effacé ces mêmes images qu’il devra ramener à <strong>la</strong> vie par <strong>la</strong> suite.<br />

RÉ-ANIMATION<br />

Ramener à <strong>la</strong> vie ? Peut-on imaginer que le passage de l’animation (dessin, esthétisation…)<br />

à <strong>la</strong> vidéo (entre<strong>la</strong>cement, caméra portée…) soit à considérer comme un passage à l’acte <strong>du</strong><br />

réalisateur ? Est-il possible d’accorder autant de pouvoir au créateur ? C’est pourtant bien ce que<br />

veut nous faire croire Ari Folman, ou semble nous faire croire le finale de son film. Résurrection,<br />

réanimation d’une image que l’on nous aura cachée pendant près d’une heure et demie et<br />

qui, elle, ne sera pas animée. Seulement réanimée dans <strong>la</strong> conscience <strong>du</strong> narrateur-auteur. Des<br />

images finales qui ne peuvent alors surgir que telles quelles, lâchées en proie à <strong>la</strong> vision <strong>du</strong><br />

spectateur, et, probablement aussi, à son jugement.<br />

Une image, cachée, enfouie par le film – mais longtemps préparée, on en aura déjà<br />

beaucoup enten<strong>du</strong> parler auparavant – qui surgit hors de l’animation, hors <strong>du</strong> dessin mais<br />

dans le film, pour rejoindre ce que Folman imagine être une figure de style redonnant p<strong>la</strong>ce<br />

aux victimes <strong>du</strong> massacre. En réalité, ce que fait Folman, c’est dénier le droit à <strong>la</strong> fiction, au<br />

dessin, à l’esthétisation de ces victimes ; il répète que le sujet <strong>du</strong> film n’était pas eux, mais bien<br />

lui, et en dessin-animé, s’il vous p<strong>la</strong>ît.<br />

Tout Valse avec Bachir est d’ailleurs construit sur <strong>la</strong> figure centrale de cette sorte de<br />

traumatisme que sont ces images per<strong>du</strong>es, à <strong>la</strong> fois pour le réalisateur et pour le spectateur, et<br />

qui, une fois révélées, remp<strong>la</strong>ceront le dessin par <strong>la</strong> vidéo. Un oubli engendré par l’action ? Pas<br />

sûr, plutôt, dirions-nous, un refoulement. À l’image de cette séquence, en itération constante<br />

autour <strong>du</strong> récit et qui revient animer le film, où des fusées éc<strong>la</strong>irantes viennent illuminer le<br />

ciel ; il faut avoir vu des images de cerveau, des scanners et autres trucs médicaux pour saisir<br />

<strong>la</strong> métaphore visuelle de synapses parcourant le cerveau d’Ari Folman.<br />

Pour l’exemple commençait avec une série de photographies de reportages, Valse avec<br />

Bachir finira donc avec une séquence vidéo de reportage. La caution <strong>du</strong> réel passe, dans les<br />

deux cas, par le biais de <strong>la</strong> photo d’archives, par <strong>la</strong> photo reportage. Autres mœurs, autres<br />

temps ; et certainement, autres buts – ce qui était photo est devenu vidéo. Mais au-delà de cette<br />

différence p<strong>la</strong>stique, <strong>la</strong> finalité (diégétique ?) au sein <strong>du</strong> récit est identique. Photographies de<br />

guerre (illustrement connues par le musée) et reportage vidéo (célèbre par sa <strong>la</strong>rge diffusion),<br />

représentent tous deux un même gage de réalité dans des films aux registres très différents.<br />

20 <strong>Spectres</strong> <strong>du</strong> Cinéma #3 Été 2009

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!