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Lorsqu’Hitchcock rencontra Rembrandt<br />
La limite entre art pictural, art photographique et art <strong>cinéma</strong>tographique n’est plus à<br />
démontrer. Tous, nous avons réfléchi à ceux-ci, leurs rapports, leurs interconnexions ; tous. Mais<br />
nous avons, tous, raté quelque chose. Nous avons péché, dans notre grande rapidité à c<strong>la</strong>sser, à<br />
conceptualiser, à c<strong>la</strong>ssifier. Tous, nous avons raté quelque chose, je le dis ; signe ; et persiste.<br />
72 <strong>Spectres</strong> <strong>du</strong> Cinéma #3 Été 2009<br />
Sans l’ombre d’un doute, nous avons cru tout savoir <strong>du</strong><br />
<strong>cinéma</strong> d’Alfred Hitchcock. Rien de caché, nous étions nous<br />
dit, croyant alors avoir deviné ce qui se cachait derrière le rideau,<br />
qu’il soit déchiré par un quelconque tueur, qu’il nous dévoile<br />
quelque intrigue ou non. De même nous avait-il paru si facile de<br />
déterminer ses idées de suspense, de surprise, et de mise en scène ;<br />
les trésors de mise en scène qu’il inventa pour servir ses histoires.<br />
Personne, donc, n’avait<br />
ainsi pu soupçonner l’alliance<br />
secrète, cachée – disons-le,<br />
tapie – entre Alfred Hitchcok<br />
et Harmenszoon van Rij<br />
Rembrandt. Tous, trop jeunes, trop innocents, il nous avait<br />
alors été impossible de déterminer comment attraper ces<br />
voleurs d’images et d’émotions. Bien trop fascinés que nous<br />
étions devant leurs œuvres, il nous était impossible de prendre<br />
<strong>du</strong> recul, de voir leur jeu ; de voir en leur jeu.<br />
Voilà notre première erreur, ne pas avoir pensé à regarder par <strong>la</strong><br />
petite lucarne, dérobée.<br />
Que pourrait donc bien rapprocher Rembrandt d’Hitchcock ? Ou Hitchcock de<br />
Rembrandt ? Car après tout, qui pourrait bien dire lequel des deux a commencé ? S’il vous<br />
apparaît que je m’égare, c’est parce qu’il me paraît capital de cerner l’état d’esprit dans lequel a<br />
commencé cette enquête, les multiples entrées que marquaient son <strong>la</strong>byrinthe et les différents<br />
choix qui auraient pu s’offrir à moi ; n’eussent été le bon sens, <strong>la</strong> rigueur et <strong>la</strong> méthode. (Très<br />
important <strong>la</strong> méthode.)<br />
La première fois se dérou<strong>la</strong> un soir de fin d’hiver alors qu’un tel rapprochement eût pu m’être<br />
enfin envisageable. C’était le 19 mars 1990 ; je m’en souviendrai toujours – on m’a appelé vers<br />
trois ou quatre heures <strong>du</strong> matin. Il était tôt. De toute façon, je ne dormais pas, n’avais pas<br />
réussi à trouver le sommeil. Incapacité c<strong>la</strong>ssique, pour ces longues soirées hivernales.