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Je souhaiterais ne pas avoir à écrire ce qui suit. Je voudrais même y penser le moins<br />
possible. Hercule <strong>Poirot</strong> était mort, et j’avais l’impression qu’avec lui disparaissait une partie<br />
de moi-même.<br />
Je vais tout de même essayer de re<strong>la</strong>ter les faits. Sans <strong>la</strong> moindre fioriture. C’est tout ce<br />
que je me sens capable de faire.<br />
Hercule <strong>Poirot</strong> est décédé, a-t-on dit, de mort naturelle. Plus précisément d’une crise<br />
cardiaque. C’était ainsi que le docteur Franklin s’attendait à le voir partir, et c’est sans nul<br />
doute le choc provoqué par <strong>la</strong> mort de Norton qui a déclenché l’attaque. Or, probablement à<br />
<strong>la</strong> suite de quelque oubli, les ampoules d’amylnitrate ne se trouvaient pas, semble-t-il, à<br />
portée de sa main.<br />
Mais était-ce bien un oubli ? Quelqu’un ne les avait-il pas enlevées délibérément ?<br />
Pourtant, non. Il avait dû se passer autre chose, car nul ne pouvait prévoir que <strong>Poirot</strong> aurait<br />
ce jour-là une crise cardiaque. Je me refusais maintenant à croire à une mort naturelle.<br />
Hercule <strong>Poirot</strong> avait été tué. Comme Norton. Comme Barbara Franklin. Mais j’ignorais<br />
pourquoi on les avait tués. J’ignorais qui les avait tués.<br />
L’enquête sur <strong>la</strong> mort de Norton conclut à un suicide. Cependant le médecin légiste fit<br />
observer qu’il est inhabituel de se suicider en se tirant une balle exactement au milieu du<br />
front. C’était là le seul fait troub<strong>la</strong>nt, car tout le reste paraissait parfaitement c<strong>la</strong>ir : <strong>la</strong> porte<br />
fermée de l’intérieur, <strong>la</strong> clef dans <strong>la</strong> poche de <strong>la</strong> robe de chambre, les fenêtres<br />
soigneusement barricadées, le pistolet dans <strong>la</strong> main de Norton. Certes, ce dernier se<br />
p<strong>la</strong>ignait souvent de maux de tête ; d’autre part, il avait fait quelques p<strong>la</strong>cements qui<br />
s’étaient révélés désastreux et avait, de ce fait, subi des pertes importantes. Mais c’étaient là<br />
des raisons un peu minces pour expliquer un suicide. Cependant, les tenants de <strong>la</strong> théorie du<br />
suicide étaient bien obligés de l’expliquer d’une manière ou d’une autre.<br />
Apparemment, le pistolet appartenait à Norton. La femme de chambre l’avait aperçu à<br />
deux reprises sur <strong>la</strong> table de chevet de <strong>la</strong> chambre. Et voilà. Pour moi, il s’agissait encore<br />
d’un autre crime camouflé en suicide.<br />
Dans le duel entre <strong>Poirot</strong> et X, c’était ce dernier qui avait remporté <strong>la</strong> victoire. Oui, mais<br />
qui était X ? C’était maintenant à moi de jouer.<br />
Je montai dans <strong>la</strong> chambre de <strong>Poirot</strong> et pris sa serviette de cuir. J’en avais parfaitement le<br />
droit, car je savais qu’il m’avait désigné comme exécuteur testamentaire. La clef de <strong>la</strong><br />
serviette était suspendue à son cou.<br />
De retour dans ma chambre, j’ouvris le porte-documents. Et j’éprouvai un choc.<br />
Les cinq dossiers concernant les affaires dont nous avions parlé avaient disparu. Je les<br />
avais encore aperçus l’avant-veille, à un moment où <strong>Poirot</strong> avait ouvert <strong>la</strong> serviette devant<br />
moi. Cette disparition était bien <strong>la</strong> preuve que le mystérieux criminel était intervenu, car il<br />
paraissait bien improbable que <strong>Poirot</strong> eût lui-même détruit ces documents.<br />
X ! Toujours ce maudit démon !<br />
Cependant, <strong>la</strong> serviette n’était pas entièrement vide. Et je me rappe<strong>la</strong>i <strong>la</strong> promesse de<br />
<strong>Poirot</strong> : je devais trouver certaines indications qui me conduiraient infailliblement à <strong>la</strong> vérité.<br />
Mais <strong>la</strong> serviette ne contenait que deux livres : une édition bon marché de l’Othello de