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Poirot quitte la sce.. - Index of

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— Je connais les Luttrell depuis mon enfance, et je trouve assez triste qu’ils en soient<br />

maintenant réduits à faire ce qu’ils font. C’est surtout lui que je p<strong>la</strong>ins, car c’est un chic type.<br />

Quant à elle, au fond, elle est plus gentille qu’on ne pourrait le croire. C’est le fait d’avoir dû<br />

vivre parcimonieusement durant toute sa vie qui l’a rendue pingre. Si vous êtes sans cesse<br />

obligé de compter, ça finit par vous affecter. La seule chose qui me dép<strong>la</strong>ise en elle, c’est<br />

cette attitude exubérante qu’elle affecte.<br />

— Parlez-moi de Mr. Norton.<br />

— Il n’y a vraiment pas grand-chose à dire. Il est très gentil, assez timide et… peut-être<br />

pas très intelligent. D’autre part, il a toujours été de santé délicate. Il vivait avec sa mère,<br />

une femme stupide et atrabi<strong>la</strong>ire qui, je crois, le faisait marcher à <strong>la</strong> baguette. Elle est morte<br />

il y a quelques années. Il a <strong>la</strong> passion des oiseaux, des fleurs et autres choses du même<br />

genre. Il est très bon et voit bien des choses…<br />

— À travers ses jumelles ?<br />

Miss Cole sourit.<br />

— Je ne par<strong>la</strong>is pas au sens littéral du terme. Je vou<strong>la</strong>is simplement dire qu’il remarque<br />

bien des choses, comme le font souvent les personnes calmes et pondérées. Il est généreux<br />

et sait se montrer très attentionné. Mais c’est un peu… un velléitaire. Je ne sais pas si je me<br />

fais bien comprendre.<br />

— Oui, je vois ce que vous voulez dire.<br />

— C’est ce qu’il y a de déprimant dans des endroits comme celui-ci, dit Elizabeth Cole.<br />

Sa voix était à nouveau chargée d’amertume.<br />

— Ces pensions de famille tenues par des personnes de <strong>la</strong> bonne société plus ou moins<br />

ruinées sont toujours pleines de ratés, de gens qui ne sont jamais parvenus à rien, qui ont<br />

été battus et brisés par <strong>la</strong> vie, qui sont usés, fatigués, finis.<br />

Elle se tut, et je me sentis envahi par <strong>la</strong> tristesse. Comme c’était vrai ! Nous étions là<br />

toute une collection de gens à demi éteints : des têtes grisonnantes, des cœurs<br />

mé<strong>la</strong>ncoliques. Moi-même, j’étais solitaire, désabusé, et cette jeune femme qui se trouvait<br />

près de moi en ce moment était, elle aussi, une créature remplie d’amertume et de<br />

désillusion. Le docteur Franklin avait vu ses projets contrecarrés, et sa femme était ma<strong>la</strong>de.<br />

Le paisible petit Norton s’en al<strong>la</strong>it en boitil<strong>la</strong>nt observer les oiseaux à travers ses jumelles.<br />

<strong>Poirot</strong>, autrefois si bril<strong>la</strong>nt, était à présent un vieil<strong>la</strong>rd à moitié infirme.<br />

Comme les choses étaient différentes, jadis, lorsque j’étais venu à Styles pour <strong>la</strong> première<br />

fois ! Ce souvenir m’arracha un soupir de regret.<br />

— Qu’y a-t-il ? demanda vivement ma compagne.<br />

— Rien. Voyez-vous, j’ai déjà séjourné ici, dans ma jeunesse, et je songeais au contraste<br />

entre les anciens jours et le temps présent.<br />

— Je comprends. J’imagine que les gens vivaient heureux, à cette époque.<br />

Il est curieux de constater comme, parfois, les souvenirs anciens semblent s’embrouiller,<br />

s’enchevêtrer comme les images d’un kaléidoscope. C’était ainsi qu’ils se présentaient<br />

maintenant à ma pensée, dans une ahurissante confusion d’événements. Puis les pièces de <strong>la</strong><br />

mosaïque reprirent leur vraie p<strong>la</strong>ce.<br />

Et je me rendis compte que mes regrets ne portaient en réalité que sur le passé pour<br />

l’amour du passé et non pas sur les événements eux-mêmes. Car, même alors, le bonheur<br />

véritable n’existait pas à Styles. Je me remémorai les faits réels sans passion, avec toute<br />

l’impartialité dont j’étais capable. Mon ami John et sa femme étaient tous les deux

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