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Au bout d’un moment, je sortis de ma torpeur. Je me <strong>la</strong>vai, me rasai, changeai de<br />
vêtements et de<strong>sce</strong>ndis dîner. Je dus me comporter à peu près normalement, car personne<br />
ne parut remarquer mon trouble. Une ou deux fois, je vis Judith me <strong>la</strong>ncer un coup d’œil<br />
étrange. Elle était sûrement surprise de voir que j’étais capable de dissimuler aussi bien mes<br />
sentiments. Cependant, au plus pr<strong>of</strong>ond de moi-même, je bouil<strong>la</strong>is de colère ; et j’étais<br />
décidé à agir. Il ne me fal<strong>la</strong>it que du courage et de l’astuce.<br />
Après le dîner, nous sortîmes dans le jardin ; et, tandis que l’on par<strong>la</strong>it du temps, de<br />
l’orage qui menaçait, je vis du coin de l’œil Judith qui disparaissait à l’angle de <strong>la</strong> maison.<br />
Une minute plus tard, Allerton prit noncha<strong>la</strong>mment le même chemin.<br />
Je finis ce que j’étais en train de dire à Boyd Carrington et m’éloignai à mon tour. Norton<br />
me saisit le bras et essaya de m’arrêter, suggérant que nous allions faire un tour du côté de<br />
<strong>la</strong> roseraie. Mais je n’en tins aucun compte. Cependant, il était encore à mes côtés lorsque<br />
j’atteignis l’angle de <strong>la</strong> maison.<br />
Ils étaient là. Je vis Judith lever son visage, et l’homme se pencher vers elle. Il l’attira à<br />
lui et l’embrassa. Mais ils se séparèrent brusquement.<br />
Je fis un pas en avant. Norton me saisit à nouveau le bras et me tira en arrière.<br />
— Allons, me dit-il, vous ne pouvez pas…<br />
Je l’interrompis sèchement.<br />
— Ah ! Vous croyez ça ?<br />
— Ça ne sert à rien, mon vieux. C’est sans doute affligeant, mais vous ne pouvez<br />
absolument pas intervenir.<br />
Je ne répondis pas. Sans doute exprimait-il sa pensée pr<strong>of</strong>onde, mais je ne pouvais pas<br />
me ranger à cet avis.<br />
— Je sais, continua-t-il, combien on peut se sentir irrité, exaspéré, dans de telles<br />
circonstances ; mais <strong>la</strong> seule chose à faire, c’est d’accepter sa défaite.<br />
Je me gardai de le contredire et jetai encore un coup d’œil au-delà de <strong>la</strong> maison. Allerton<br />
et Judith avaient maintenant disparu, mais j’avais une idée assez nette de l’endroit où ils<br />
pouvaient être : près de <strong>la</strong> serre cachée non loin de là dans un bosquet de li<strong>la</strong>s.<br />
Je m’en approchai sans bruit. Je crois bien que Norton était toujours derrière moi, mais je<br />
ne saurais l’affirmer. J’entendis bientôt <strong>la</strong> voix d’Allerton.<br />
— Eh bien, ma chère petite, c’est donc entendu comme ça. Plus d’objections. Vous irez à<br />
Londres demain ; de mon côté, je dirai que je me rends à Ipswich chez un ami pour un ou<br />
deux jours. Vous téléphonerez le soir qu’il vous est impossible de rentrer, et qui pourra être<br />
au courant de ce charmant petit dîner dans mon appartement ? Je vous promets que vous ne<br />
regretterez rien.<br />
Une fois de plus, je sentis que Norton me tirait par <strong>la</strong> manche. Sans protester, je fis demitour<br />
et le <strong>la</strong>issai me traîner jusqu’à <strong>la</strong> maison, feignant de céder et de me résigner. Mais je<br />
savais déjà ce que j’al<strong>la</strong>is faire.<br />
— Ne vous inquiétez pas, dis-je. Vous avez raison : on ne peut pas régenter <strong>la</strong> vie de ses<br />
enfants.<br />
Je constatai qu’il avait l’air sou<strong>la</strong>gé. Je lui dis que j’avais mal à <strong>la</strong> tête et que j’al<strong>la</strong>is me