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— Je ne pouvais pas dormir, répondis-je sèchement.<br />
— Ah oui ? Venez avec moi ; je vais vous donner quelque chose.<br />
Je le suivis dans sa chambre, qui était contiguë à <strong>la</strong> mienne. Une étrange fascination me<br />
poussait à étudier cet homme d’aussi près que je le pouvais.<br />
— Vous vous couchez tard, remarquai-je.<br />
— Je n’ai jamais été un couche-tôt. Surtout quand il y a possibilité de se distraire. Il ne<br />
faut pas gaspiller ces belles soirées.<br />
Il se mit à rire. D’un rire qui me déplut autant que son sourire de tout à l’heure.<br />
Je le suivis jusqu’à <strong>la</strong> salle de bains. Il ouvrit une petite armoire et en sortit un tube de<br />
comprimés.<br />
— Voici exactement ce qu’il vous faut, dit-il. Avec ça, vous dormirez comme une souche.<br />
Et vous ferez même de beaux rêves. Cette drogue est une merveille.<br />
Son ton enthousiaste provoqua en moi un léger choc. Cet homme s’adonnait-il donc aussi<br />
à <strong>la</strong> drogue ?<br />
— Ce n’est pas dangereux ? demandai-je.<br />
— Ce le serait si vous en preniez trop. C’est un de ces barbituriques dont <strong>la</strong> dose mortelle<br />
est assez proche de <strong>la</strong> dose normale.<br />
Il sourit encore, les coins de ses lèvres relevés d’une manière fort dép<strong>la</strong>isante.<br />
— Je croyais qu’un tel produit ne pouvait s’obtenir sans ordonnance.<br />
— Et vous avez raison. En principe. Mais j’ai ma combine.<br />
Je sais bien que ma réaction fut passablement stupide ; mais il m’arrive souvent de céder<br />
à une impulsion de cet ordre.<br />
— Je crois savoir que vous connaissiez Etherington.<br />
Je me rendis compte aussitôt que le coup avait porté. Ses yeux se firent plus durs et<br />
défiants. Pourtant, ce fut d’un ton léger et désinvolte qu’il me répondit.<br />
— Oh ! oui, je le connaissais. Pauvre diable !<br />
Puis, comme je restais muet, il poursuivit :<br />
— Il se droguait, bien sûr, et il y al<strong>la</strong>it même un peu fort. Il faut savoir s’arrêter. Lui n’a<br />
pas su. Sale affaire. Sa femme a eu de <strong>la</strong> veine. Si elle n’avait pas eu <strong>la</strong> sympathie du jury…<br />
Il me remit deux comprimés, tout en me demandant d’un ton apparemment indifférent :<br />
— Connaissiez-vous bien Etherington ?<br />
Je répondis <strong>la</strong> vérité.<br />
— Non.<br />
Pendant un instant, il semb<strong>la</strong> ne pas savoir comment poursuivre. Puis, avec un petit rire :<br />
— Drôle de type ! dit-il. Pas exactement de tout repos, mais il savait être parfois de<br />
compagnie agréable.<br />
Je le remerciai pour les comprimés et regagnai ma chambre.<br />
Tout en me glissant à nouveau dans mon lit, je me demandais si je n’avais pas commis<br />
une bévue. Car j’étais maintenant persuadé que le fameux X n’était autre qu’Allerton. Et je<br />
lui avais pratiquement <strong>la</strong>issé entendre que je soupçonnais quelque chose.