You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
— Je suis certain qu’il s’agit d’Othello.<br />
— Pas du tout. C’est Roméo qui s’adresse à Juliette.<br />
Chacun donna son avis. Soudain, <strong>la</strong> voix de Judith retentit sur le balcon.<br />
— Regardez ! Une étoile fi<strong>la</strong>nte… Oh ! une autre.<br />
— Où donc ? demanda Boyd Carrington. Il faut faire un vœu.<br />
Il sortit pour rejoindre Miss Cole, Norton et Judith. Miss Craven suivit, puis Franklin. Je<br />
restai assis, <strong>la</strong> tête penchée sur mes mots croisés. Pour quelle étrange raison aurais-je<br />
souhaité voir une étoile fi<strong>la</strong>nte ? Je n’avais aucun vœu à formuler…<br />
Boyd Carrington reparut soudain dans <strong>la</strong> chambre.<br />
— Viens, Barbara, dit-il.<br />
— Non, répondit vivement Mrs. Franklin, je suis très fatiguée.<br />
— Voyons, Babs, il te faut faire un vœu ! reprit-il en riant. Pas de protestations ! Je vais te<br />
porter.<br />
Il se pencha et <strong>la</strong> souleva dans ses bras. La jeune femme se mit à rire.<br />
— Bill, lâche-moi ! Ne fais pas l’idiot.<br />
— Les petites filles doivent obligatoirement faire un vœu.<br />
Il franchit <strong>la</strong> porte-fenêtre avec Barbara dans ses bras, puis il reposa doucement <strong>la</strong> jeune<br />
femme sur le balcon.<br />
Je me penchai un peu plus sur mon journal… Je me souvenais… Une c<strong>la</strong>ire nuit tropicale…<br />
et une étoile fi<strong>la</strong>nte. J’étais debout près de <strong>la</strong> porte-fenêtre, moi aussi. Je m’étais retourné,<br />
j’avais soulevé ma jeune femme dans mes bras pour lui montrer une étoile fi<strong>la</strong>nte. Et faire un<br />
vœu…<br />
Les lignes des mots croisés se brouillèrent devant mes yeux.<br />
Une silhouette se détacha dans l’encadrement de <strong>la</strong> porte et pénétra dans <strong>la</strong> chambre…<br />
Judith.<br />
Il ne fal<strong>la</strong>it pas qu’elle vit des <strong>la</strong>rmes dans mes yeux. Je fis pivoter <strong>la</strong> bibliothèque et fis<br />
semb<strong>la</strong>nt de chercher un livre. Je me rappe<strong>la</strong>is y avoir aperçu une vieille édition des œuvres<br />
de Shakespeare. Je <strong>la</strong> trouvai sans peine et cherchai Othello.<br />
— Que fais-tu, papa ? me demanda Judith.<br />
Je marmonnai quelque chose à propos d’une définition de mots croisés, sans cesser de<br />
tourner les pages du livre. Oui, c’était bien Iago qui prononçait ces paroles.<br />
Prenez garde à <strong>la</strong> jalousie, monseigneur.<br />
C’est le monstre à l’œil vert<br />
Qui se nourrit de sa propre chair.<br />
Et Judith poursuivit, de sa voix grave et mélodieuse :<br />
Ni le pavot, ni <strong>la</strong> mandragore,<br />
Ni tous les narcotiques du monde<br />
Ne te rendront jamais ce doux sommeil<br />
Dont tu jouissais hier.<br />
Les autres rentraient, bavardant et riant. Mrs. Franklin revint s’étendre sur le canapé. Son<br />
mari reprit sa p<strong>la</strong>ce de l’autre côté de <strong>la</strong> bibliothèque, et il se mit à tourner distraitement sa