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fort agréable.<br />
Elle revenait d’installer sa ma<strong>la</strong>de en un endroit ensoleillé, à proximité du <strong>la</strong>boratoire<br />
improvisé du docteur Franklin.<br />
— S’intéresse-t-elle aux recherches de son mari ? demandai-je.<br />
La jeune femme secoua <strong>la</strong> tête d’un air un peu méprisant.<br />
— Oh ! ces travaux sont beaucoup trop techniques pour elle. Vous savez, elle n’est pas<br />
d’une intelligence supérieure. Or, les recherches du docteur ne peuvent être comprises et<br />
appréciées que par quelqu’un possédant des connaissances scientifiques et médicales. Lui est<br />
très intelligent. Je dirai même bril<strong>la</strong>nt. Pauvre garçon ! Je le p<strong>la</strong>ins un peu…<br />
— Vous le p<strong>la</strong>ignez ?<br />
— Oui. J’ai si souvent vu des hommes épouser <strong>la</strong> femme qui ne leur convenait pas !<br />
— Vous croyez que c’est le cas du docteur Franklin ?<br />
— Pas vous ? Ils n’ont absolument aucun point commun.<br />
— Il semble pourtant qu’il ait beaucoup d’affection pour elle. Il est toujours à ses petits<br />
soins…<br />
L’infirmière se mit à rire sur un ton que je trouvai un peu dép<strong>la</strong>isant.<br />
— Elle s’arrange pour qu’il en soit ainsi.<br />
— Vous pensez donc qu’elle… exploite sa ma<strong>la</strong>die ?<br />
Elle se remit à rire.<br />
— Vous auriez du mal à lui en remontrer sur ce chapitre. Tout ce que veut « Sa<br />
Seigneurie », elle l’obtient. Certaines femmes sont ainsi : aussi malignes qu’une tribu de<br />
singes. Si on se met en travers de leurs désirs, elles se contentent de renverser <strong>la</strong> tête en<br />
arrière et de fermer les yeux en prenant un air pathétique. Ou alors, elles piquent une crise<br />
de nerfs. Mrs. Franklin appartient à <strong>la</strong> première catégorie. Elle ne dort pas <strong>la</strong> nuit et, le<br />
matin, elle est toute pâle et épuisée.<br />
— Mais elle est vraiment ma<strong>la</strong>de, n’est-ce pas ?<br />
Miss Craven me <strong>la</strong>nça un drôle de coup d’œil.<br />
— Oh, bien sûr ! répondit-elle d’un ton sec.<br />
Et elle changea brusquement de sujet pour me demander s’il était vrai que j’eusse déjà<br />
séjourné à Styles, au cours de <strong>la</strong> première guerre.<br />
— Oui, c’est exact, répondis-je.<br />
Elle baissa un peu <strong>la</strong> voix pour me poser <strong>la</strong> question suivante.<br />
— Et il y avait eu un meurtre, n’est-ce pas ? Une vieille femme, je crois. C’est une des<br />
domestiques qui m’en a parlé. Étiez-vous présent, à ce moment-là ?<br />
— Oui, j’étais ici.<br />
Elle frissonna légèrement.<br />
— Ce<strong>la</strong> explique tout, non ?<br />
— Explique… quoi ?<br />
Elle me décocha un coup d’œil oblique.<br />
— Vous ne sentez pas l’atmosphère de cet endroit ? Moi, si. Et j’ai l’impression qu’elle a<br />
quelque chose d’étrange.<br />
Je réfléchis en silence pendant un moment. Disait-elle vrai ?<br />
Un meurtre prémédité pouvait-il <strong>la</strong>isser, à l’endroit où il avait été commis, une empreinte<br />
si forte qu’elle restât perceptible après de nombreuses années ? Les gens férus de psychisme<br />
l’affirment. Restait-il encore à Styles des traces de cet événement lointain ? Ici, entre ces