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— D’un autre côté, il serait encore mieux que le meurtrier fût un personnage typique : par<br />
exemple un boucher. Ce<strong>la</strong> aurait même un avantage supplémentaire : personne ne<br />
remarquerait des taches de sang sur les vêtements d’un boucher.<br />
— Mais voyons, objectai-je, tout le monde saurait si le boucher s’était querellé avec… le<br />
bou<strong>la</strong>nger, par exemple.<br />
— Pas si le boucher n’avait adopté cette pr<strong>of</strong>ession que pour avoir l’occasion d’assassiner<br />
le bou<strong>la</strong>nger.<br />
Je le considérai attentivement, me demandant s’il fal<strong>la</strong>it chercher dans ses paroles une<br />
allusion cachée. Si oui, ce<strong>la</strong> semblerait désigner le colonel Luttrell. Avait-il délibérément<br />
ouvert une pension de famille pour avoir l’occasion d’assassiner un de ses hôtes ?<br />
<strong>Poirot</strong> secoua <strong>la</strong> tête.<br />
— Ce n’est pas sur mon visage, mon ami, que vous trouverez <strong>la</strong> solution du problème.<br />
— Vous êtes vraiment exaspérant, soupirai-je. D’ailleurs, Norton n’est pas mon seul<br />
suspect. Que penser du dénommé Allerton ?<br />
<strong>Poirot</strong> ne se départit pas de son impassibilité.<br />
— Il ne vous p<strong>la</strong>ît pas ? demanda-t-il doucement.<br />
— Oh ! pas du tout !<br />
— Ah ! C’est ce que vous devez appeler un vaurien, n’est-il pas vrai ?<br />
— Absolument. N’êtes-vous pas de mon avis ?<br />
— Mais si. Seulement… c’est un homme qui a beaucoup d’attraits aux yeux des femmes.<br />
Je <strong>la</strong>issai échapper une exc<strong>la</strong>mation de mépris.<br />
— Que les femmes sont donc stupides ! murmurai-je. Que peuvent-elles bien trouver à un<br />
homme comme celui-là ?<br />
— Je ne saurais le dire. Mais il en est bien souvent ainsi : le mauvais sujet les attire.<br />
— Mais pourquoi ?<br />
<strong>Poirot</strong> haussa les épaules.<br />
— Sans doute y voient-elles quelque chose qui nous échappe.<br />
— Par exemple ?<br />
— Peut-être le danger. Tout le monde aime à rencontrer dans <strong>la</strong> vie un soupçon de<br />
danger. Certains l’obtiennent par procuration – si je puis dire –, dans des courses de taureaux<br />
ou, plus simplement encore au cinéma. Une trop grande sécurité répugne à <strong>la</strong> nature<br />
humaine. C’est pourquoi les hommes recherchent le danger de diverses manières ; les<br />
femmes, elles, en sont réduites à le chercher dans les aventures sexuelles, <strong>la</strong>issant parfois<br />
passer sans le voir le brave garçon qui ferait un excellent mari.<br />
Je me concentrai sur cette idée pendant quelques minutes. Puis je revins à mon sujet.<br />
— Vous savez, <strong>Poirot</strong>, il me sera re<strong>la</strong>tivement facile de découvrir l’identité de X. Il me<br />
suffira de fureter de-ci de-là pour savoir qui était en re<strong>la</strong>tion avec les différents personnages<br />
de ces cinq drames que nous avons évoqués.<br />
J’avais pr<strong>of</strong>éré ces paroles d’un air triomphant, mais <strong>Poirot</strong> ne m’accorda qu’un regard<br />
vaguement dédaigneux.<br />
— Hastings, je ne vous ai pas demandé de venir ici pour vous voir suivre péniblement et<br />
ma<strong>la</strong>droitement le chemin que j’ai déjà parcouru. Et permettez-moi de vous dire que les<br />
choses ne sont pas tout à fait aussi simples que vous paraissez l’imaginer. Quatre de ces<br />
affaires se sont passées dans le comté où nous nous trouvons en ce moment. Les personnes<br />
rassemblées à Styles ne sont pas exactement un groupe d’inconnus débarqués ici par hasard,