Mares temporaires
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Les mares <strong>temporaires</strong> méditerranéennes<br />
L’assèchement, considéré, il y a peu de temps encore, comme un<br />
“accident terrible” pour les biocénoses* de ces habitats, s’est révélé,<br />
au contraire, être le facteur dominant de leur originalité biologique<br />
(richesse, diversification des stratégies adaptatives, forte<br />
production, résilience, etc.). Dans toutes ces régions, la végétation<br />
et la faune des mares présentent des similitudes, comme la présence<br />
de ptéridophytes rares (Marsilea spp., Isoetes spp., Pilularia<br />
spp.) ou l’abondance de crustacés Phyllopodes, Cladocères,<br />
Ostracodes et Copépodes.<br />
Encadré 3. <strong>Mares</strong> <strong>temporaires</strong> d’Algérie et du Maghreb<br />
En Algérie, les mares <strong>temporaires</strong> sont les hydrosystèmes les<br />
plus communs et les plus caractéristiques. Parmi les taxons les plus<br />
représentatifs de ces milieux, les Copépodes calanoïdes (microcrustacés<br />
appartenant traditionnellement au zooplancton) occupent<br />
une place de choix340 . Citons comme exemple les espèces endémiques<br />
en Afrique du Nord ou de distribution restreinte autour<br />
du Bassin méditerranéen comme Copidodiaptomus numidicus ou<br />
Hemidiaptomus gurneyii. Certains calanoïdes sont rares comme<br />
Diaptomus cyaneus ou liés aux mares saumâtres ou salées comme<br />
Arctodiaptomus salinus et Arctodiaptomus wierzejskii. Au Maghreb,<br />
de nombreuses espèces de puces d’eau (autres microcrustacés)<br />
du genre Daphnia pullulent uniquement au sein des mares <strong>temporaires</strong>.<br />
Parmi les insectes aquatiques, beaucoup d’espèces ont développé<br />
des stratégies de survie et de reproduction (migration,<br />
diapause* embryonnaire, etc.) adaptées à la longue période d’exondation<br />
de leur biotope. Ainsi, les libellules Aeshna mixta, Sympetrum<br />
meridionale et Sympetrum striolatum, émigrent vers les<br />
forêts de haute montagne pour estiver durant de long mois. En<br />
automne, elles quittent leur refuge pour redescendre et se reproduire337<br />
. Les Zygoptères (demoiselles) Lestes barbarus et Lestes<br />
viridis estivent, quant à elles, au milieu des aulnaies où le microclimat<br />
ambiant évite leur dessiccation. Cette maturation sexuelle<br />
prolongée (3-4 mois) évite à de nombreuses espèces de se<br />
reproduire à un moment défavorable338 .<br />
Les amphibiens sont également adaptés aux vicissitudes du climat<br />
méditerranéen (reproduction précoce pour les taxons à développement<br />
lent et pontes tardives pour ceux à développement<br />
rapide). Le Triton de Poiret, Pleurodeles poireti, espèce endémique<br />
de l’Algérie et de la Tunisie, est inféodé aux mares <strong>temporaires</strong><br />
dulçaquicoles* 405 où les amphibiens rencontrent généralement<br />
moins de prédateurs malgré la présence fréquente de l’Aigrette<br />
garzette, Egretta garzetta, qui se nourrit préférentiellement dans<br />
ces milieux.<br />
Depuis les travaux pionniers de Gauthier159 , peu d’études ont<br />
porté sur les mares algériennes. Cependant, récemment, le Laboratoire<br />
de Recherche des Zones Humides (université d’Annaba) a<br />
conduit une série d’études sur la biodiversité, la structure et le<br />
fonctionnement des mares <strong>temporaires</strong>. Les résultats préliminaires<br />
suggèrent que des déterminants écologiques comme la texture<br />
du sol et la salinité organisent la structure spatiale alors que la<br />
structure temporelle est étroitement liée à la régulation saisonnière<br />
des taxons.<br />
Samraoui B.<br />
14<br />
Diversité des mares <strong>temporaires</strong> méditerranéennes<br />
On distingue différents types de mares <strong>temporaires</strong> méditerranéennes<br />
en fonction de leur origine, du substrat sur lequel elles<br />
sont installées, de leur morphologie et de leur formation. Des substrats<br />
très différents leur confèrent des caractéristiques physicochimiques<br />
spécifiques. Elles peuvent être présentes sur des roches<br />
basiques (calcaires, etc.) ou acides (granite, rhyolite, etc.) et sur<br />
des roches compactes ou des substrats plus ou moins filtrants.<br />
Elles peuvent être perchées sur des barres rocheuses ou situées<br />
dans des plaines littorales. Une partie de ces mares est d’origine<br />
naturelle, en relation avec divers processus géomorphologiques.<br />
Cependant, dans certaines régions, les mares d’origine artificielle,<br />
construites pour des usages particuliers (abreuvoirs pour les troupeaux,<br />
etc.) ou résultant indirectement des activités humaines<br />
(extraction de matériaux, etc.), sont nombreuses. Des milieux très<br />
transitoires, comme les ornières, ne sont pas considérés ici, même<br />
Encadré 4. La phytosociologie, base de la classification<br />
des habitats dans l’Union européenne<br />
La phytosociologie constitue l’étude des communautés végétales<br />
et de la façon dont les espèces végétales peuvent être groupées<br />
dans des biotopes aux caractéristiques écologiques et station-<br />
nelles précises. Formalisée en particulier par Braun-Blanquet53, 55<br />
lors de ses études sur la végétation en Languedoc méditerranéen,<br />
la phytosociologie permet de dresser une typologie détaillée des<br />
formations végétales. L’élément clé de la phytosociologie basé<br />
sur le relevé floristique est l’association végétale dont plusieurs<br />
définitions ont été formulées ; initialement d’acceptation étroite :<br />
“l’association végétale est un groupement de composition floristique<br />
déterminée qui se retrouve semblable à lui-même partout<br />
où sont réalisées les mêmes conditions stationnelles. Elle est par<br />
définition un ensemble d’espèces dont la réunion est sous la<br />
dépendance directe du milieu” 269 , cette définition a perdu peu à<br />
peu de sa rigidité : “une association végétale est une combinaison<br />
originale d’espèces dont certaines dites caractéristiques lui<br />
sont particulièrement liées, les autres étant qualifiées de compagnes”<br />
176 . Barbero24 indique que “les caractéristiques sont dans<br />
un complexe bio-climatique donné, les espèces les plus intimement<br />
liées à un milieu, parfois à un complexe de milieux, où elles<br />
présentent leur optimum de développement”. L’association végétale,<br />
notion abstraite, est représentée sur le terrain par des individus<br />
d’association (peuplement végétal homogène observé sur<br />
le terrain et appartenant à l’association en question), qui vont<br />
être caractérisés par des listes complètes de végétaux réalisées<br />
sur une surface donnée, et considérée par le phytosociologue<br />
comme homogène sur le plan de la flore et de la végétation.<br />
Pour nommer une association, le phytosociologue choisit une ou<br />
deux espèces caractéristiques ou dominantes. Le suffixe –etum<br />
est ajouté à la racine du nom de genre déterminant et son épithète<br />
spécifique mise au génitif. La seconde espèce qualificative<br />
est également mise au génitif, mais son déterminant générique<br />
se termine en o, i ou ae. Ainsi l’association caractérisée par Isoetes<br />
duriaei et Nasturtium aspera sera dénommée Isoeto duriaei-<br />
Nasturtietum asperae. Les associations sont regroupées par affinité<br />
floristique dans des alliances, elles-mêmes rassemblées en<br />
ordres.<br />
D’après Quézel & Médail315