Mares temporaires
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Encadré 19. Les facteurs clés dans le fonctionnement et<br />
la dynamique des populations de Bryophytes*<br />
Les cortèges bryophytiques les plus spécialisés sont intimement<br />
liés au régime alternant période humide/période sèche. La plupart<br />
des espèces de Bryophytes de mares <strong>temporaires</strong> sont des pionnières<br />
plus ou moins fugaces présentant des stratégies spécialisées.<br />
Les espèces fugitives annuelles a , itinérantes annuelles b mais<br />
aussi colonisatrices c y sont largement majoritaires. Il s’agit d’espèces<br />
souvent éphémères (parfois d’une durée de vie de quelques<br />
semaines seulement) produisant généralement des spores en grandes<br />
quantités. Ces spores leur permettent de subsister sous forme dormante<br />
pendant la période sèche. Ces espèces peuvent également<br />
posséder des organes de résistance végétatifs. C’est le cas de nombreuses<br />
Bryacées qui présentent un ou plusieurs types de propagules*<br />
(propagules tubériformes* sur les rhizoïdes*, propagules<br />
gemmiformes* aux aisselles des feuilles, etc.) ou encore de certaines<br />
hépatiques, comme Phaeoceros bulbiculosus qui possède<br />
des bulbilles pédicellées* à la face inférieure du thalle. Les espèces<br />
pérennes, véritablement tolérantes au stress, sont beaucoup plus<br />
rares et strictement limitées aux zones externes des mares <strong>temporaires</strong><br />
où l’ombrage des plantes supérieures est plus grand et le sol<br />
un peu plus épais.<br />
Les particularités morphologiques habituelles des espèces xérophiles<br />
(tolérantes à la sécheresse), comme la présence d’écailles, de papilles<br />
ou de poils, ne suffisent pas à expliquer la formidable résistance des<br />
Bryophytes, en particulier des Hépatiques, aux conditions sévères de<br />
la saison sèche. D’autres mécanismes complexes, d’ordre physiologique,<br />
interviennent. La reviviscence (capacité de régénérer par réhydratation<br />
des tissus vivants à partir de tissus ayant subi une dessiccation<br />
extrême) de bon nombre de Bryophytes en est très probablement le<br />
déterminant essentiel. Ainsi, certaines espèces réputées annuelles<br />
présentent, en fait, dans certaines conditions, des mécanismes de ce<br />
moins grand de rester là où la génération précédente a réussi à se<br />
reproduire, plutôt que de risquer une dispersion très aléatoire dans<br />
un milieu rare et discontinu. Klinkhamer et al. 209 ont montré que<br />
plus les espèces constituent des banques de semences et moins<br />
elles sont aptes à la dispersion.<br />
Chez les espèces des mares <strong>temporaires</strong>, des mécanismes de dormance*<br />
limitent le pourcentage de germinations lors d’une année<br />
donnée 41 réduisant les risques d’extinction des populations 365 . La sortie<br />
de dormance est contrôlée, en partie, par des facteurs environnementaux,<br />
tels que la lumière, la saturation en eau du sédiment et<br />
la température, mais aussi par des processus physiologiques. Chez<br />
Elatine brochonii, Rhazi et al. 324 ont mis en évidence deux facteurs<br />
contrôlant la germination : la saturation en eau du sédiment et la<br />
lumière.<br />
Peu de données existent sur les pourcentages de semences d’une<br />
génération qui germent au cours d’un cycle hydrologique ou d’une<br />
mise en eau. En Australie, Brock 62 a mesuré un taux de germination<br />
très faible (2,5 %) lors de la première année de remise en eau alors<br />
que Bonis et al. 42 constataient un taux de germination beaucoup<br />
plus élevé, variant de 30 % pour les Charophytes à 50 % pour<br />
Zannichellia. De plus, ces auteurs constatent que des espèces<br />
capables de germer rapidement (non dormantes) au moment de leur<br />
3. Fonctionnement et dynamique de l’écosystème et des populations<br />
type. Les Hépatiques à thalle et, en particulier, le genre Riccia ainsi<br />
que les Pottiacées présentent de nombreuses espèces reviviscentes.<br />
Du fait des contraintes environnementales drastiques, les populations<br />
bryophytiques sont très instables dans le temps et dans l’espace<br />
et sont soumises à de grandes variations d’effectif d’une année<br />
à l’autre.<br />
L’importance de la strate bryophytique dans l’équilibre du milieu<br />
“mare temporaire” est souvent négligée. Les tapis de Pottiacées,<br />
comme ceux de Pleurochaete squarrosa, espèce sociale fréquente<br />
en bordure de mare, ou encore les croûtes compactes formées par<br />
de nombreuses Hépatiques à thalle, s’opposent à une dessiccation<br />
excessive du substrat durant les périodes critiques et favorisent<br />
ainsi, dans une certaine mesure, les groupements de l’Isoetion.<br />
D’autres Bryophytes sociales peuvent au contraire favoriser l’évaporation<br />
dans les cuvettes les plus humides par mise en contact<br />
d’une surface d’eau plus importante avec l’air ambiant (phénomène<br />
de pompe capillaire). La strate bryophytique, par l’importance<br />
de la biomasse cumulée qu’elle représente, joue un rôle<br />
considérable dans l’enrichissement en matière organique des sols<br />
quasi-squelettiques de nombreuses mares <strong>temporaires</strong>. Durant la<br />
mauvaise saison, les croûtes d’hépatiques peuvent également jouer<br />
un rôle protecteur du sédiment et des micro-organismes associés<br />
vis-à-vis des agressions extérieures (radiation, vent, érosion, etc.).<br />
Hugonnot V. & J.P. Hébrard<br />
a. Les fugitives annuelles sont des espèces éphémères présentant un effort de reproduction<br />
sexuée fort (nombreux sporophytes), pas de reproduction asexuée et des<br />
petites spores à durée de vie longue.<br />
b. Les itinérantes annuelles ont une vie courte (mais parfois plus d’un an), présentent<br />
un effort de reproduction sexuée fort (nombreux sporophytes), pas de reproduction<br />
asexuée et des spores grosses (d’où faible dissémination) à durée de vie moyenne.<br />
c. Les colonisatrices sont des espèces à vie courte présentant un effort de reproduction<br />
sexuée et asexuée fort et des spores petites à durée de vie longue.<br />
production vont entrer en dormance si elles ne trouvent pas rapidement<br />
des conditions favorables à leur germination. Ainsi ces espèces<br />
(par exemple Callitriche truncata) posséderaient, au même moment,<br />
un stock de semences jeunes, à fort taux de germination, et un stock<br />
plus âgé qui germe progressivement. Les informations sur la longévité<br />
des semences sont rares et parfois contradictoires (Encadré 18).<br />
Pour un site donné, on peut souvent observer des différences entre<br />
la banque de semences et la végétation de surface. La présence,<br />
dans la banque de semences, d’espèces absentes de la végétation,<br />
peut indiquer que les conditions environnementales ne permettent<br />
pas la levée de dormance de ces espèces, que les germinations sont<br />
suivies d’échecs ou que certaines espèces sont éliminées par une<br />
compétition avec les communautés déjà établies. Par contre la présence,<br />
dans la végétation, d’espèces absentes dans la banque de<br />
semences, peut montrer des stocks semenciers transitoires, une<br />
colonisation récente (opportuniste) ou la multiplication uniquement<br />
végétative de certaines espèces.<br />
Le nombre de semences viables dans la banque, plutôt que le<br />
comptage du nombre de pieds germés une année donnée (éminemment<br />
variable d’une année sur l’autre), est le meilleur moyen<br />
d’estimer la taille des populations.<br />
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