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Mares temporaires

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ou celles qui doivent nécessairement y accomplir une partie de leur<br />

cycle.<br />

La connaissance de la biologie des populations et l’évaluation de<br />

leur diversité génétique sont indispensables pour leur gestion et leur<br />

conservation à long terme. Il est généralement accepté que la capacité<br />

d’adaptation des populations est liée à leur diversité génétique.<br />

Inversement et paradoxalement, une bonne adaptation locale à des<br />

milieux extrêmes peut aussi avoir comme conséquence une diminution<br />

de leur diversité génétique. Pour évaluer la diversité génétique<br />

des populations d’une espèce, plusieurs paramètres clés sont à<br />

prendre en compte : l’histoire des populations, leur taille, leur degré<br />

d’isolement, le système de reproduction (auto ou allogamie*), la<br />

nature des flux de gènes et l’existence d’adaptations locales.<br />

Une hiérarchisation des populations en fonction de leur niveau d’intérêt<br />

peut s’avérer nécessaire pour orienter le choix des gestionnaires<br />

vers telle ou telle population lorsque toutes, par exemple, ne<br />

peuvent pas faire l’objet de mesures conservatoires. Les biologistes<br />

de la conservation ont donc créé, dans les années 1980, la notion<br />

d’unité évolutive d’intérêt (Evolutionary Significative Unit ou ESU) :<br />

unité population qui mérite une gestion particulière et une haute<br />

priorité de conservation, sur la base d’une variation adaptative déterminée<br />

sur des données écologiques et/ou génétiques 94 .<br />

Des populations souvent petites et isolées<br />

La probabilité d’extinction est plus grande dans les populations de<br />

petite taille, et, plus particulièrement, dans un environnement fluctuant<br />

comme les mares <strong>temporaires</strong>. Dans ces milieux, les populations<br />

sont souvent détruites totalement ou partiellement, par<br />

exemple par un assèchement ou une inondation précoce (cas du<br />

Triton crêté, Encadré 26), avant qu’elles n’aient pu accomplir leur<br />

cycle de reproduction.<br />

Dans les populations de petite taille, l’augmentation de la consanguinité<br />

(dérive génétique) peut aboutir à l’accumulation de mutations<br />

défavorables, susceptibles de conduire à leur extinction. Elle<br />

s’accompagne généralement d’une diminution de la capacité d’adaptation<br />

(valeur sélective) des individus.<br />

La faible taille des populations constitue donc un risque pour les<br />

espèces du fait du risque aléatoire d’extinction lié aux fortes fluctuations<br />

environnementales et de la réduction des capacités d’adaptation<br />

due à la consanguinité. Certaines caractéristiques biologiques<br />

des espèces comme le système de reproduction (autogamie*/allogamie*),<br />

la dispersion (du pollen et des semences) ou l’importance<br />

du stock semencier pour les plantes, peuvent accentuer ou atténuer<br />

ce risque.<br />

Conséquences de l’isolement pour la reproduction<br />

et pour la dispersion<br />

L’isolement et la petite taille des populations imposent des contraintes<br />

fortes pour leur dynamique. Pour les individus, les enjeux<br />

sont de laisser des descendants susceptibles de maintenir la population<br />

et de les disperser dans plusieurs sites pour éviter les risques<br />

d’extinction locale accidentelle.<br />

La reproduction sexuée représente un coût 286 dans la contrainte de<br />

la recherche de partenaires et du fait de la transmission d’une seule<br />

copie de ses propres gènes. En contrepartie, elle réduit la dépression<br />

3. Fonctionnement et dynamique de l’écosystème et des populations<br />

Encadré 27. Les paradoxes de l’Armoise de Molinier<br />

L’Armoise de Molinier (Artemisia molinieri) est une espèce rare,<br />

endémique de trois mares <strong>temporaires</strong> du Var et décrite comme<br />

en danger d’extinction 285, 261 . Les deux principales populations<br />

d’Armoise sont localisées dans les lacs <strong>temporaires</strong> de Gavoty<br />

(Besse-sur-Issole) et de Redon (Flassans-sur-Issole), inclus dans<br />

le projet LIFE “<strong>Mares</strong> Temporaires”.<br />

Torrel et al. 389 ont réalisé une étude écologique et génétique sur<br />

les deux principales populations d’Armoise de Molinier visant à<br />

évaluer les risques encourus par cette espèce et à proposer des<br />

mesures de conservation. Les résultats étaient les suivants :<br />

• Dans les deux sites, l’Armoise est très abondante (quelques<br />

milliers d’individus) et représente l’espèce dominante.<br />

• La diversité génétique est élevée et inattendue chez une plante<br />

à distribution géographique aussi restreinte. De plus, aucun<br />

déséquilibre génétique (dérive) n’a été mis en évidence.<br />

• Les deux populations, distantes de 4 km, sont très peu différenciées<br />

génétiquement ce qui indiquerait l’existence de flux de<br />

gènes (échanges de pollen ou de graines) entre elles ou un isolement<br />

récent.<br />

• Le taux de viabilité du pollen (10 % à Redon et 30 % à Gavoty)<br />

et celui de germination des graines (4 % et 14 % respectivement)<br />

sont peu élevés dans les deux populations. La faible fertilité<br />

de la population de Redon peut, en partie, être liée à la<br />

contamination des capitules par un champignon et aux conditions<br />

environnementales (forte concentration de nutriments, inondations<br />

irrégulières, impact anthropique, pâturage, etc.).<br />

Dans ces conditions, l’Armoise se propagerait donc essentiellement<br />

par voie végétative grâce à un vigoureux système de stolons. Le<br />

taux de reproduction sexuée bas semble suffisant pour maintenir<br />

des populations denses et une diversité génétique importante.<br />

Torrel et al. 389 ont conclu que les principales mesures de conservation<br />

devaient consister en un maintien en l’état des deux lacs<br />

(statut légal de protection et/ou acquisition par une institution<br />

publique) associé à une surveillance continue des populations.<br />

En 2000, la moitié du Lac Redon a été labouré, détruisant une<br />

partie de la population d’Armoise et permettant l’expression d’espèces<br />

à forte valeur patrimoniale comme Lythrum tribracteatum,<br />

Damasonium polyspermum et Heliotropium supinum 1 . Ce lac est<br />

pâturé avec 200 ovins en parcours extensif.<br />

Finalement, l’Armoise de Molinier présente le paradoxe d’être<br />

une espèce rare avec un comportement d’espèce dominante et<br />

exclusive : le devenir des autres espèces sous couvert de l’Armoise<br />

est incertain. Compte tenu de son niveau d’endémisme élevé,<br />

l’Armoise représente un enjeu de conservation prioritaire par<br />

rapport aux espèces, également protégées mais beaucoup moins<br />

rares, dont elle partage l’habitat.<br />

Gauthier P., D. Rombaut & P. Grillas<br />

Artemisia molinieri, une espèce endémique mais dominante au lac<br />

Redon (Var, France)<br />

Roché J.<br />

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