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Mares temporaires

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Plusieurs expériences en laboratoire ont montré que les larves<br />

d’amphibiens s’alimentent moins, se déplacent moins vite, présentent<br />

des déséquilibres, des malformations et un taux de mortalité<br />

accru quand des faibles niveaux de nitrates et de nitrites sont<br />

additionnés à l’eau 249, 409 (Encadré 36). En Espagne, 3 espèces<br />

d’amphibiens se sont révélées très sensibles au nitrate d’ammonium<br />

: la Rainette arboricole, le Discoglosse de Galganoi et le<br />

Crapaud commun 287 . Chez la Rainette, une mortalité de 30 % a été<br />

constatée pour des concentrations de 50 mgL -1 (concentration<br />

légale admise pour la consommation humaine). Les autres espèces,<br />

moins sensibles, montraient néanmoins une croissance ralentie et<br />

des anomalies de développement.<br />

Les amendements en phosphore et en potassium peuvent aussi<br />

eutrophiser les mares, induire des proliférations algales et favoriser<br />

les espèces végétales compétitives au détriment des espèces<br />

rares et caractéristiques. Béja et Alcazar 29 soupçonnent ainsi que<br />

la prolifération des massettes (Typha sp.), dans des mares au Portugal,<br />

résulte d’une concentration croissante en éléments nutritifs.<br />

La pollution peut aussi être d’origine urbaine : au centre de l’Espagne<br />

146 et au Maroc (Rhazi, Thiéry, com. pers.), on a pu observer des<br />

déversements d’eaux usées urbaines dans les zones humides <strong>temporaires</strong>.<br />

La mare d’Opoul (Pyrénées-Orientales, France) a été utilisée,<br />

dans le passé, comme exutoire de la station d’épuration des eaux<br />

domestiques 210, 284 , sans que l’on sache si ces apports ont eu des<br />

conséquences fâcheuses sur les batraciens ou sur la flore.<br />

Polluants toxiques et décharges<br />

Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, des produits insecticides<br />

sont déversés directement dans les mares (au Maroc 263 ). Les<br />

apports indirects peuvent provenir des activités humaines diverses<br />

sur le bassin versant, notamment les produits phytosanitaires utilisés<br />

dans l’agriculture. Les routes sont des sources de pollution<br />

très diverses, que ce soit à l’occasion d’accidents impliquant des<br />

véhicules transportant des produits toxiques, par les lessivats routiers<br />

riches en hydrocarbures ou par les produits utilisés pour l’entretien<br />

des routes (herbicides, sels, chaux, etc.). Dans le cas des<br />

zones humides karstiques, l’origine de la contamination peut être<br />

beaucoup plus lointaine que ne le laisse suggérer le bassin versant<br />

superficiel (Chapitre 3b). Le degré de contamination d’un site varie<br />

surtout en fonction de la quantité de produit chimique déversée<br />

par unité de surface, mais aussi de la taille de la surface traitée et<br />

de la rémanence des substances. Il n’est pas rare de trouver des<br />

concentrations plus élevées de substances toxiques dans les<br />

petites mares isolées (systèmes fermés) situées près des zones<br />

agricoles que dans des zones humides plus vastes où le renouvellement<br />

de l’eau est plus important.<br />

Partout en Méditerranée, les mares <strong>temporaires</strong> servent de dépôts<br />

d’ordures ou de gravats. Ces dépôts font régresser les Bryophytes<br />

caractéristiques et provoquent l’apparition de groupements terricoles<br />

nitrophiles à Barbula unguiculata, Funaria hygrometrica,<br />

etc., qui sont des espèces rudérales très banales (Hugonnot &<br />

Hébrard, com. pers.).<br />

L’accumulation de pesticides dans les eaux de ruissellement,<br />

représente un risque élevé pour les amphibiens (Encadré 36) et les<br />

invertébrés aquatiques 166 (Encadré 37). Dans un certain nombre de<br />

cas, il semble que les amphibiens aient de bonnes capacités de<br />

résistance aux agents polluants. L’établissement de populations<br />

d’amphibiens dans les bassins de rétention des eaux de lessivage<br />

4. Menaces sur les mares <strong>temporaires</strong> méditerranéennes<br />

Encadré 37. Les pesticides et les libellules<br />

La qualité des eaux de surface s’est fortement dégradée depuis<br />

plusieurs années et les libellules semblent actuellement moins<br />

nombreuses, certaines espèces paraissant même avoir disparu 101 .<br />

Des études récentes 58 montrent que plusieurs pesticides contaminent<br />

de façon chronique les eaux de pluie, en particulier<br />

l’Atrazine (herbicide), la DEA (diéthylatrazine), l’Alachlore (herbicide),<br />

le Lindane (γ-HCH) (insecticide) et son isomère le β-HCH.<br />

Les teneurs en pesticides dans les eaux peuvent parfois dépasser<br />

plusieurs dizaines de milligrammes à l’hectare (en Atrazine et<br />

Alachlore). Si peu d’études existent dans la région méditerranéenne,<br />

on dispose de données dans les régions périphériques<br />

montrant une grande sensibilité des libellules aux pesticides<br />

durant leur vie aquatique, c’est-à-dire aux stades larvaires.<br />

Le Méthoprène, agent régulateur de croissance des insectes, utilisé<br />

pour lutter contre les moustiques, provoque une diminution<br />

des peuplements d’Odonates 362, 56 . De même les carbamates sont<br />

actifs sur 7 genres de Zygoptères et d’Anisoptères 164 . Après sept<br />

jours d’application de Diflubenzuron, Zgomba et al. 420 constatent<br />

72 % de mortalité des Odonates en Yougoslavie. Les applications<br />

de Bacillus thurigensis, BT sérotype H-14, provoquent des<br />

réactions similaires. Des résultats identiques ont été observés<br />

sur les populations de Diptères Chironomides 305 .<br />

Les organophosphates provoquent la mort des larves de libellules<br />

en moins de deux heures. Le Fenthion, le Bromophos et le<br />

Lindane sont très toxiques sur les Zygoptères (Lestes sponsa,<br />

Ischnura elegans, Coenagrion puella) pour lesquelles on enregistre<br />

une mortalité de 40 % des populations en moins de 48 heures 212 .<br />

Les concentrations élevées en Roténone, éliminent les Aeschnidae.<br />

D’une façon générale, dans les eaux contaminées, les densités<br />

en Odonates sont réduites de 30 % par rapport aux milieux<br />

naturels 370 . En Allemagne, dans la région d’Hambourg, seules<br />

2 espèces Coenagrion puella et C. pulchellum ont survécu sur les<br />

14 connues 25 ans plus tôt 183 .<br />

Dans le cas des rizières, les pesticides ont fait l’objet d’études<br />

récentes : en Grèce, Schnapauff et al. 349 montrent un effet négatif<br />

du Propanil (N-(3,4-dichlorophényl)-propionamid) associé au<br />

Parathion (un organophosphoré) sur les populations d’Ishnura<br />

elegans. En Camargue, Suhling et al. 366 notent que Sympetrum<br />

fonscolombii et Orthetrum cancellatum, sont clairement affectées<br />

par des traitements qui associent l’Icazon à l’Alphamethine<br />

(un pyréthroide). Suhling (com. per.) émet l’hypothèse que Sympetrum<br />

depressiusculum, qui sera bientôt ajoutée à la liste rouge<br />

mondiale UICN et dont les larves se développaient dans les<br />

rizières camarguaises dans les années 1960 3, a disparu consécutivement<br />

à l’utilisation des insecticides. En Camargue, le Fipronyl,<br />

seul insecticide actuellement autorisé, est lui aussi soupçonné<br />

d’entraîner une réduction de la taille et une modification de la<br />

structure des populations chez la moitié des espèces présentes<br />

dans les rizières 155 (Crocothemis erythraea, Orthetrum cancellatum<br />

et O. albistylum).<br />

Les larves d’Odonates sont de bons indicateurs de la qualité des<br />

eaux 369, 253. Un suivi à long terme des populations d’Odonates est<br />

donc du plus haut intérêt pour la gestion des milieux. Toutefois,<br />

les libellules étant connues pour leurs grandes capacités de vol,<br />

un inventaire basé sur les occurrences d’adultes n’est pas pertinent.<br />

L’autochtonie des adultes doit être vérifiée par l’étude des<br />

larves et des exuvies, preuves d’une reproduction réussie dans le<br />

biotope.<br />

Thiéry A.<br />

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