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SANS FAMILLE

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– J’ai mon idée.– Veux-tu la dire, ton idée ?– Oh ! non.– Parce que ?– Parce que si elle est bête…– Eh bien ?– Elle serait trop bête si elle était fausse ; et il ne faut pas sefaire des joies qui ne se réalisent pas ; il faut que l’expérience dugreen de ce joli Bethnal nous serve à quelque chose ; en avonsnousvu des belles prairies vertes, qui dans la réalité n’ont étéque des mares fangeuses.Je n’insistai pas, car moi aussi j’avais une idée.Il est vrai qu’elle était bien vague, bien confuse, bien timide,bien plus bête, me disais-je, que ne pouvait l’être celle deMattia, mais précisément par cela même je n’osais insister pourque mon camarade me dît la sienne : qu’aurais-je répondu sielle avait été la même que celle qui flottait indécise comme unrêve dans mon esprit ? Ce n’était pas alors que je n’osais pas mela formuler, que j’aurais eu le courage de la discuter avec lui.Il n’y avait qu’à attendre, et nous attendîmes.Tout en attendant, nous continuâmes nos courses dansLondres, car nous n’étions pas de ces musiciens privilégiés quiprennent possession d’un quartier où ils ont un public à euxappartenant : nous étions trop enfants, trop nouveaux-venuspour nous établir ainsi en maîtres, et nous devions céder laplace à ceux qui savaient faire valoir leurs droits de propriété– 696 –

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